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30 septembre 2009

Fabio le malfrat

Fabio, je l'aime bien. C'est pas une flèche, il est un peu retors sur les bords, mais je l'aime bien malgré tout, à cause du bon sourire benêt qu'il affiche tous les jours que Dieu fait, et quels que soient les remarques qu'on lui fasse. Il est content Fabio, pour lui tout roule, du moment que les copains sont là, qu'il peut parler, rigoler, faire des coups foireux... Un bon p'tit gars, qui ne sera probablement pas major de l'ENS, mais un bon gamin. Sans être plus indulgent avec lui, c'est mon préféré.
Mais lundi, Fabio, à force de tchatcher avec son pote, j'en ai eu marre et il s'est pris cent lignes. Il a eu l'air indigné quelques secondes, mais le sourire réapparut sur sa tête de benêt. "Bien m'sieur."

Dont acte. Bravement, Fabio m'a apporté tout à l'heure sa feuille double. Il a rempli sa part de contrat, l'histoire est close, le cours a commencé et la sanction a même porté ses fruits: abîmé derrière ses lunettes trop grandes, notre adolescent semblait fasciné par la nouvelle de Buzzati que son merveilleux enseignant avait soumis à sa juvénile sagacité. 
Lequel enseignant, en dictant un point important de son cours, posa distraitement les yeux sur la copie double de Fabio. "Y a un truc", que je me suis dit sans vraiment savoir d'où me venait cette intuition, qui me fut rapidement confirmée: dans un excès de zèle, Fabio avait numéroté ses lignes: 10, 20... Mais à y regarder de plus près, je me suis aperçu que notre jeune homme avait indiqué ses précieux repères non toutes les dix lignes, mais toutes les huit lignes... Et s'était donc épargné un cinquième de son travail ! En levant un sourcil terrible qui eût fait frissonner Himmler mais dont le seul mérite résidait dans l'antinomie avec mon éclat de rire intérieur, je dis "Fabio, tu viendras me voir à la fin de l'heure". Sourire béat, surpris.
Ben voyons.
Le reste est dialogue:
"- Bon, fabio, tu peux me le dire: tu m'as pris pour un imbécile.
- Mais de quoi vous parlez M'sieur ?
- Fabio, tu t'es dit que comme j'étais prof de français, je n'aurais pas compté le nombre de lignes, c'est ça ? (NDLR: réflexion judicieuse, d'ailleurs, je me serais fait avoir si l'un de ses camarades ne m'avait pas rendu cent lignes deux jours avant)
- ... Ah, j'ai dû me tromper, excusez-moi M'sieur" 

J'avoue: il m'a intérieurement fait mourir de rire, je n'ai pas eu le coeur de lui redonner cent lignes comme j'aurais dû le faire, je l'ai juste sommé de terminer sa punition, en laissant un petit mot à l'attention de ses chers parents: "Fabio a oublié de terminer le travail en comptant plus de lignes qu'il n'en avait effectivement faites. Une erreur d'inattention, sans doute..."

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6 octobre 2009

Dys' à zéro

Mercredi dernier, j'ai donné à tous mes cinquièmes un sujet de rédaction, parce qu'il faut les faire écrire. Les instructions officielles précisent clairement qu'un enfant ne peut acquérir le goût de la littérature s'il n'écrit pas lui-même régulièrement. A raison, d'ailleurs. On pourrait presque le présenter comme un pont tendu entre une volonté récalcitrante et l'univers de la littérature. En établissant la pratique régulière de la lecture, c'est un peu comme si les deux côtés du pont se réunissaient et qu'une jonction pouvait s'établir. 
Enfin soit. Le sujet était quand même simple et laissait énormément de lattitude: faire un récit ou un début de récit d'une vingtaine de lignes, dans le type de leur choix parmi ceux que l'on avait vus. D'aucuns s'insurgeront et diront que cette liberté est justement ce qui effraie l'enfant, et qu'un maximum de consignes lui permet au contraire de se libérer...

Et ce n'est pas sans une certaine émotion que je vous retranscris la copie qu'un élève m'a rendu hier, non sur une feuille mais sur un bout de feuille découpé au ciseau. C'est assez émouvant.

Le Rugby

Nicolas joue dans une équipe de rugby qui s'appelle Toulouse. Un jour il va en finale contre toulon, il gagne il est trés heures, sont équipe a le troffé de champion de france et le soir venue ils font la féte.

Ca me rappelle un peu les anciens exercices qu'on donnait aux gamins: "écrire à la manière de". Rimbau et Flaubert ont commencé comme ça. On y serait presque, avec cette "copie" de Vincent.
Mais à la manière de qui ? Je vous laisse y réfléchir 

22 octobre 2009

Semi-pétage de plombs

Eh oui, même chez un lymphatique comme moi ça peut arriver.
Je supporte pas mal de trucs, étant ce qu'on appelle communément de bonne composition. Ayant de plus une tendance ô combien salutaire dans ce métier à tout prendre au second degré, je ne crois pas être de ces enseignants qui sortent facilement de leurs gonds.
Mais s'il y a bien un truc que je ne supporte pas, c'est la lâcheté, la fourberie, l'hypocrisie, les gens qui agissent par derrière et qui font les innocents. Eux je les nique, en bonne et due forme.

Or, j'ai le cas dans une de mes classes. Deux gamins pénibles, le premier parce qu'il est bête et pas très malin: je le supporte et le recadre quand j'en ressens le besoin, et le second, objet de ce post. Ce gosse est arrivé deux semaines après la rentrée, viré du collège précédent pour une sombre histoire de mâchoire de petit camarade cassée suite à une franche discussion...
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il a pris son temps avant de commencer. Je le trouvais calme, discret, le genre de calme qui n'augure rien de bon. Au niveau des résultats, pas de problème: un bon élève. Mais un esprit de merde. L'ami Sylvain n'a commencé que la semaine dernière à se manifester... en tapant des pieds par terre alors que j'écrivais au tableau. En me retournant un peu rapidement, je crois l'avoir surpris. Manque de preuve, je ne l'ai pas épinglé et me suis contenté de dicter le cours "à cause de l'imbécile qui s'amusait à faire des claquettes." Le message a été reçu, plus de bruit depuis, jusqu'à ce midi où monsieur faisait régulièrement tomber son stylo en voulant le faire tourner. Une remarque désagréable a suffi. L'avantage c'est que je crois avoir la classe avec moi.
Et tout à l'heure, de quatre à cinq, je faisais cours avec mes cinquièmes, les gentils, ceux-là. Une salle située en rez de chaussée, qui donne sur la cour. Et qui vois-je qui s'amuse à mater les cours d'un gamin, le nez collé à la fenêtre ?
Sylvain.
Mon sang n'a fait qu'un tour (ce qui me fait dire, rétrospectivement, que je commence à accumuler pas mal de fatigue: le moindre truc me met hors de moi), et j'ai bondi à la fenêtre pour pourrir Sylvain, devant ses pote, bien comme il faut. Regard baissé, fuyant au début, il a vite voulu couper court par un "ouais c'est bon...", et il a fallu que je lui gueule dessus pour qu'il daigne me regarder dans les yeux. Fin de l'engueulade, je reprends mon cours face à ma cinquième, médusée de me voir en colère.
A la fin du cours, je pars comme une balle et j'alpague le Sylvain à la sortie, où je lui ai mis une seconde couche, en lui disant clairement que je détestais son attitude, son mépris et son arrogance, et que l'affaire serait mise sur la table le lendemain, en réunion parents-profs. Il m'a semblé avoir les larmes aux yeux. Je l'espère bien, d'autant plus que je ne suis pas le seul à me plaindre de lui.
Donc bilan demain avec les parents. D'ici là le soufflé sera retombé, et j'espère que tout se goupillera bien. 

23 octobre 2009

Perceval et Fabio

Notre vocation est, on ne le dira jamais assez, de transmettre à ces jeunes de la culture. De la grammaire, de la conjugaison, de l'orthographe, d'accord, mais tout cela est subordonné à la transmission d'un fond littéraire, et artistique, commun qui doit absolument être préservé. C'est à l'école que le jeune adolescent de 2009 sera le plus facilement en contact avec la littérature. Comme le disait une collègue: "Baudelaire, c'est now".
C'est donc avec cette dimension de passeur que je franchis chaque jour les portes du collège et que je m'efforce le plus possible de parler aux élèves de livres, même si ça m'oblige parfois à suspendre mon cours de grammaire pendant un moment. C'est aussi dans cet esprit que je donne en récitation des taxtes qui me semblent particulièrement beaux. A mes cinquièmes, a été donné récemment le sublime passage du sang sur la neige, extrait du Perceval et le Conte du Graal de l'inimitable Chrétien:

L’oie était blessée au col.

Elle saigna trois gouttes de sang,

qui se répandirent sur le blanc.

On eût dit une couleur naturelle.

Le temps qu’il y soit parvenu,

elle s’était déjà envolée.

Quand Perceval vit la neige qui était foulée,

là où s’était couchée l’oie,

et le sang qui apparaissait autour,

il s’appuya sur sa lance

pour regarder cette semblance.

Car le sang et la neige ensemble

sont à la ressemblance de la couleur fraîche

qui est au visage de son amie.

Tout à cette pensée, il s’en oublie lui-même.

Pareille était sur son visage

cette touche de vermeil, disposée sur le blanc,

à ce qu’étaient ces trois gouttes de sang,

apparues sur la neige blanche.

Il n’était plus que regard.

Il lui apparaissait, tant il y prenait plaisir,

que ce qu’il voyait, c’était la couleur toute nouvelle

du visage de son amie, si belle.

Je reconnais: l'extrait était difficile. Difficile et long, aussi long que le temps qu'ils avaient pour l'apprendre. Et c'est ainsi que j'ai interrogé notre ami Fabio hier. Il est venu sur l'estrade, tout fier, avecses lunettes et son cahier dégueulasse. Après quelques hésitations dues à un trac bien légitime (c'est dur de déclamer su Chrétien, plus de huit siècles nous contemplent !):

"L'oie était blessée au col,
Elle saigna...euh...trois gouttes de sang
Qui...euh...s'étalèrent sur le blanc
..."

"Bon, Fabio, tu l'as apprise, ta poésie ?
- Euh, non m'sieur.
- Bon, tu en paieras le prix. A ta place."

Ca n'a pas eu plus l'air que ça de le gêner, le Fabio. Notre jeune nice retrouva son sourire béat et retourna à sa place.
C'est dur, défois.

4 novembre 2009

Un prof à LIDL ?

Hier, nous avions des amis qui venaient manger, pour sept heures. Et donc, comme d'hab, je suis allé au LIDL d'à côté faire les courses à, mettons, 18h20... Autant dire que j'étais pressé, entre la liste des courses à terminer; le truc que j'avais, forcément, pas noté et qu'il me fallait prendre sauf que c'était trop tard pour aller le chercher parce que la bonne femme avait commencé à scanner mes articles; mon copain Jérémie au téléphone...
J'étais un peu en stress, quoi.
Et donc je revenais aux caisses, un peu essoufflé, au téléphone avec Emilie qui me faisait un sermon sur la pâte feuilletée, avec Jérémie qui me parlait de sa semaine à Rome, avec la perspective de faire galérer la file des estimables clients de ce magasin avec ma *** de pâte sus-nommée lorsque je vis, dans la file en question, celle que j'appellerai Julie. Julie est une ancienne élève de l'an dernier, que je suivais en cours de soutien, une de ces élèves que j'appelle "élève de bonne volonté": pas spécialement douée sans être non plus spécialement pas douée, essayant quand même de combler son désintérêt pour la matière par un travail régulier et sérieux. Je l'aimais bien Julie.
Et la première réaction de cette élève en voyant son ancien prof de français à LIDL, ridicule à souhait avec son sac Auchan, pressé, au téléphone, un peu désappointé aussi... fut un grand sourire, un sourire de sympathie qui m'alla, il faut bien le dire cher lecteur, droit au coeur. Tout en tâchant, j'imagine, de résorber le maelström de pensées contradictoires qui durent lui traverser l'esprit (quoi ? Un prof à LIDL ? Ils ont donc une vie ? On les laisse sortir le soir, le week-end et les vacances ? Il sait ce qu'est un téléphone portable ? Il est pressé lui aussi, comme les gens normaux ? Il s'est échappé du lycée ?), il faut bien avouer que Julie était, oui, contente de me voir: il y a des sourires spontanés qui ne trompent pas.
Et ainsi donc, je raccrochai, lui rendis son sourire avec un sonore "bonjour", et repartis à mes occupations. Il en faut peu, comme quoi, pour vous remettre de bonne humeur.

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17 novembre 2009

Ils nous prennent vraiment...

...pour des cons.
Ce matin, matinée correction de copies, avec un café à main gauche et le somptueux quintette d'Alban Berg dans les oreilles: rédactions de troisième à faire pendant les vacances. Le sujet, inspiré d'une séquence sur la rencontre amoureuse en littérature, était quand même assez vaste pour autoriser pas mal de variations: en s'inspirant des textes vus en cours, les chers bambins devaient écrire, à leur tour, une scène de rencontre amoureuse.
La prof d'IUFM avait raison: qu'est-ce qu'ils lâchent, comme trucs, dans les rédactions ! J'ai eu droit à une compilation de récits tous plus mièvres les uns que les autres. Mais bon, la plupart des élèves se sont acquittés de leur travail consciencieusement, en me rendant des copies souvent plus longues que ce que j'avais exigé. Si la qualité littéraire n'était pas au rendez-vous, ils ont rempli leur part du contrat, je n'en demandais pas davantage.
Jusqu'à ce que je tombe sur la copie d'une gamine dont le niveau est très faible. Une petite consciencieuse et appliquée, malgré de grosses difficultés. Or sa copie, à première vue, était pas mal. Assez bonne même, jusqu'à ce que je tombe sur la phrase: "Peut-être que la douceur d'aimer interrompt le soin d'être aimable." Là y a un truc: il m'a semblé reconnaître Marivaux. Ces tournures à la fois alambiquées et extraordinairement claires, cette justesse du propos accordée à cet accent incisif sont reconnaissables entre mille. Et j'avais raison: la première phrase de la copie de celle que j'appellerai Julie m'ont renvoyé vers la rencontre de Marianne et Valville dans La Vie de Marianne. Copiée mot pour mot.
J'étais à la fois déçu et en colère d'avoir 1/été pris pour un demeuré qui ne connaît pas ses classiques, et 2/eu le sentiment que cette élève, habituellement si bosseuse, ne s'est même pas donné la peine de faire elle-même son travail. C'est donc avec une sorte de rage froide que je lui ai mis 0 en joignant la photocopie du passage à l'attention des parents.
Une heure après, autre copie: rebelote, mais avec subtilité. L'élève avait, cette fois, recopié le passage en y changeant quelques termes, histoire de faire moins flagrant délit, de sorte que l'on aboutissait à des absurdités du genre "Parmi les jeunes gens dont j'attirais les regards, il y en eut un que je m'attirai moi-même."
Même ânerie, même punition. J'ai même le sentiment d'être trop gentil avec eux, qui se sont ouvertement foutus de moi.

18 novembre 2009

Action-réaction, épisode 2

C'est facile d'accuser la société des défauts qu'on a du mal à pallier nous-mêmes, j'en conviens. Seulement il faut bien constater que nos chers bambins ont pris l'habitude de vivre dans un monde semi-virtuel (les récentes actualités tendent à le démontrer), dans lequel l'information, aussitôt avalée, est digérée pour laisser place à la suivante. Rapidité de l'information, de l'échange, du statut, des amis, des amours... Et qu'on le veuille ou non, les enseignants, sans pour autant cautionner ou tomber dans une démagogie ridicule, doivent s'adapter à la structure mentale qui est en train de devenir celle des adolescents. On m'objecte, de manière amicale et pondérée, d'être trop dans l'action-réaction, de réagir trop vite et du tac au tac.
Cela est certainement vrai, dans ma pratique professionnelle tout du moins.
Mais ai-je vraiment le choix ? A bosser avec ces élèves pour lesquels une chose en vaut une autre, laquelle sera remplacée par une troisième chose, et ainsi de suite, je n'ai pas vraiment le choix, ou je n'ai pas encore acquis la maturité pour m'adapter à cette structure mentale: à être dans l'action-réaction, je ne peux pas faire nécessairement les bons choix, même si j'ai assez peu, en définitive, l'impression de me tromper.
Dont acte.
Ce matin, je croise l'élève qui avait suscité tant de débats à l'article précédent, celle qui a recopié. Je l'appelle et lui demande, calmement, si elle n'avait rien à se reprocher. "Euh, non M'sieur, je crois pas." Ce à quoi je lui demande si elle en est bien sûre.
Même réponse. Je la remercie donc, en lui disant qu'on règlerait ça le moment venu. Le but de la manoeuvre était justement de la faire galérer. Et ça n'a pas loupé: un quart d'heure plus tard, elle vient me voir, visiblement au bord des larmes, et demande à me parler. Là, elle avoue tout: peur d'avoir une mauvaise note, pas d'idée pour sa rédaction, etc... Je la remercie de sa franchise et la laisse partir. Après avoir réfléchi un peu et avoir fait la même chose avec l'autre tricheur, qui, lui, est resté campé sur sa position (ah non M'sieur, je vois pas de quoi vous voulez parler !", je lui ai proposé un "deal" pendant la récréation: je lui donne un autre sujet pour qu'elle se rattrape, ce qui n'empêchera pas cette note d'être intégrée à la moyenne. En acceptant, elle avait l'air soulagée, et visiblement convaincue du fait qu'elle ne bénéficierait pas de la même indulgence au prochain coup fourré de ce genre.
Bon, mission accomplie de mon côté je crois.
Et comme rien ne mérite qu'on se morfonde dessus, j'ai terminé cette belle mi-journée par une ballade en moto jusqu'au bord de mer, en pensant à tous mes collègues expatriés chez les ch'timi.

2 décembre 2009

Aimez-vous Brahms ?

Il a déjà été question d'un billet consacré ici à une des oeuvres qui me hante le plus. Oeuvre qui a presque une valeur d'intrus, dans la mesure où elle ne correspond pas tellement à mes périodes habituelles: le premier concerto en ré mineur, op.15, de Brahms, dont j'ai parlé il y a quelques semaines ou quelques mois. Je n'y reviendrai que pour quelques remarques incidentes au sujet d'une version que j'ai entendue mardi matin dans la voiture, sur France musique: une version adaptée non pour piano et orchestre, mais pour deux pianos.
J'avais déjà entendu un concert il y a quelques années la transformation de ce genre d'une oeuvre concertante pour piano et orchestre. C'était le quatrième concerto de Beethoven, et ce choix m'avait paru extrêmement judicieux dans la mesure où il s'agit du seul des cinq qui, à mon sens, parle d'une réconciliation entre les deux instances, qui ne s'opposent pas mais qui auraient plutôt tendance à s'enchaîner pour monter au ciel. Il n'y a qu'à écouter les premières mesures:

Ne serait-ce qu'à partir des premières mesures, le ton est donné. Comparez avec le début du cinquième, par exemple, du même:


Rien à voir, remarquez, on n'est plus du tout dans le même univers. 
Pour revenir à nos moutons, un peu surpris par ce choix, j'écoutai donc ce concerto jusqu'à la fin du premier mouvement, interprété par deux pianistes. L'un dont je n'avais jamais entendu parler, et l'autre que je connaissais un peu pour l'avoir entendu jouer il y a quelques mois le deuxième de Prokofiev (un chef d'oeuvre, incompréhensible pour des oreilles peu ou mal habituées au "classique", mais un véritable monstre sacré, ce concerto), ce qui m'avait d'ailleurs fait plonger dans la perplexité: passer (parce que oui, il s'agit bien, déjà, de passer pianistiquement) l'une des oeuvres les plus difficiles qui aient été composées pour cet instrument à vin gt-trois ans. Soit. 
Ce que je craignais arriva: j'ai été déçu, très déçu, dans la mesure où la perspective concertante de l'oeuvre de Brahms était complètement perdue. Les propos du piano se trouvaient dilués dans les résonances de l'autre piano (deux Steinway D, les mêmes, par dessus le marché), de sorte que du combat d'Hercule et de l'hydre, on arrivait à une sorte de bouillasse sonore un peu informe. Certes, l'auditeur est quand même amusé de se dire "ah tiens c'est rigolo ça fait pas pareil", mais je doute que Brahms eût apprécié que l'on réduise ce qu'il avait mis près de cinq ans à composer à une curiosité musicale, j'ai d'ailleurs cru sentir, dans ce qu'ils en disaient, le manque de conviction des pianistes, non sur leur jeu, mais sur l'intérêt d'une telle transcription. Et nul doute qu'ils avaient raison. 
Pour conclure cette bien désagréable écoute, plongez-vous, en trois parties, dans le premier mouvement de ce somptueux concerto en ré mineur, qui contient probablement dans ses deux dernières minutes les deux minutes les plus érectiles de la musique classique: 

 





5 décembre 2009

Quand on parle du loup...

Enfin, si j'ose dire, voici la lettre adressée par Michel Onfray à Nicolas Sarkozy concernant le transfert éventuel d'Albert Camus au Panthéon. Re-merci Michel.
Article paru dans Le Monde du 25 Novembre dernier (http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/24/monsieur-le-president-devenez-camusien-par-michel-onfray_1271343_3232.html) 

 

"Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Vous venez de manifester votre désir d'accueillir les cendres d'Albert Camus au Panthéon, ce temple de la République au fronton duquel, chacun le sait, se trouvent inscrites ces paroles :"Aux grands hommes, la patrie reconnaissante". Comment vous donner tort puisque, de fait, Camus fut un grand homme dans sa vie et dans son oeuvre et qu'une reconnaissance venue de la patrie honorerait la mémoire de ce boursier de l'éducation nationale susceptible de devenir modèle dans un monde désormais sans modèles.

De fait, pendant sa trop courte vie, il a traversé l'histoire sans jamais commettre d'erreurs : il n'a jamais, bien sûr, commis celle d'une proximité intellectuelle avec Vichy. Mieux : désireux de s'engager pour combattre l'occupant, mais refusé deux fois pour raisons de santé, il s'est tout de même illustré dans la Résistance, ce qui ne fut pas le cas de tous ses compagnons philosophes. De même, il ne fut pas non plus de ceux qui critiquaient la liberté à l'Ouest pour l'estimer totale à l'Est : il ne se commit jamais avec les régimes soviétiques ou avec le maoïsme.

Camus fut l'opposant de toutes les terreurs, de toutes les peines de mort, de tous les assassinats politiques, de tous les totalitarismes, et ne fit pas exception pour justifier les guillotines, les meurtres, ou les camps qui auraient servi ses idées. Pour cela, il fut bien un grand homme quand tant d'autres se révélèrent si petits.

Mais, Monsieur le Président, comment justifierez-vous alors votre passion pour cet homme qui, le jour du discours de Suède, a tenu à le dédier à Louis Germain, l'instituteur qui lui permit de sortir de la pauvreté et de la misère de son milieu d'origine en devenant, par la culture, les livres, l'école, le savoir, celui que l'Académie suédoise honorait ce jour du prix Nobel ? Car, je vous le rappelle, vous avez dit le 20 décembre 2007, au palais du Latran : "Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé." Dès lors, c'est à La Princesse de Clèves que Camus doit d'être devenu Camus, et non à la Bible.

De même, comment justifierez-vous, Monsieur le Président, vous qui incarnez la nation, que vous puissiez ostensiblement afficher tous les signes de l'américanophilie la plus ostensible ? Une fois votre tee-shirt de jogger affirmait que vous aimiez la police de New York, une autre fois, torse nu dans la baie d'une station balnéaire présentée comme très prisée par les milliardaires américains, vous preniez vos premières vacances de président aux Etats-Unis sous les objectifs des journalistes, ou d'autres fois encore, notamment celles au cours desquelles vous avez fait savoir àGeorge Bush combien vous aimiez son Amérique.

Savez-vous qu'Albert Camus, souvent présenté par des hémiplégiques seulement comme un antimarxiste, était aussi, et c'est ce qui donnait son sens à tout son engagement, un antiaméricain forcené, non pas qu'il n'ait pas aimé le peuple américain, mais il a souvent dit sa détestation du capitalisme dans sa forme libérale, du triomphe de l'argent roi, de la religion consumériste, du marché faisant la loi partout, de l'impérialisme libéral imposé à la planète qui caractérise presque toujours les gouvernements américains. Est-ce le Camus que vous aimez ? Ou celui qui, dansActuelles, demande "une vraie démocratie populaire et ouvrière", la "destruction impitoyable des trusts", le "bonheur des plus humbles d'entre nous" (Œuvres complètes d'Albert Camus, Gallimard, "La Pléiade", tome II, p. 517) ?

Et puis, Monsieur le Président, comment expliquerez-vous que vous puissiez déclarer souriant devant les caméras de télévision en juillet 2008 que, "désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit", et, en même temps, vouloir honorer un penseur qui n'a cessé de célébrer le pouvoir syndical, la force du génie colérique ouvrier, la puissance de la revendication populaire ? Car, dans L'Homme révolté, dans lequel on a privilégié la critique du totalitarisme et du marxisme-léninisme en oubliant la partie positive - une perversion sartrienne bien ancrée dans l'inconscient collectif français... -, il y avait aussi un éloge des pensées anarchistes françaises, italiennes, espagnoles, une célébration de la Commune, et, surtout, un vibrant plaidoyer pour le "syndicalisme révolutionnaire" présenté comme une "pensée solaire" (t. III, p. 317).

Est-ce cet Albert Camus qui appelle à "une nouvelle révolte" libertaire (t. III, p. 322) que vous souhaitez faire entrer au Panthéon ? Celui qui souhaite remettre en cause la "forme de la propriété" dans Actuelles II (t. III, p. 393) ? Car ce Camus libertaire de 1952 n'est pas une exception, c'est le même Camus qui, en 1959, huit mois avant sa mort, répondant à une revue anarchiste brésilienne, Reconstruir, affirmait : "Le pouvoir rend fou celui qui le détient" (t. IV, p. 660). Voulez-vous donc honorer l'anarchiste, le libertaire, l'ami des syndicalistes révolutionnaires, le penseur politique affirmant que le pouvoir transforme en Caligula quiconque le détient ?

De même, Monsieur le Président, vous qui, depuis deux ans, avez reçu, parfois en grande pompe, des chefs d'Etat qui s'illustrent dans le meurtre, la dictature de masse, l'emprisonnement des opposants, le soutien au terrorisme international, la destruction physique de peuples minoritaires, vous qui aviez, lors de vos discours de candidat, annoncé la fin de la politique sans foi ni loi, en citant Camus d'ailleurs, comment pourrez-vous concilier votre pragmatisme insoucieux de morale avec le souci camusien de ne jamais séparer politique et morale ? En l'occurrence une morale soucieuse de principes, de vertus, de grandeur, de générosité, de fraternité, de solidarité.

Camus parlait en effet dans L'Homme révolté de la nécessité de promouvoir un "individualisme altruiste" soucieux de liberté autant que de justice. J'écris bien : "autant que". Car, pour Camus, la liberté sans la justice, c'est la sauvagerie du plus fort, le triomphe du libéralisme, la loi des bandes, des tribus et des mafias ; la justice sans la liberté, c'est le règne des camps, des barbelés et des miradors. Disons-le autrement : la liberté sans la justice, c'est l'Amérique imposant à toute la planète le capitalisme libéral sans états d'âme ; la justice sans la liberté, c'était l'URSS faisant du camp la vérité du socialisme. Camus voulait une économie libre dans une société juste. Notre société, Monsieur le Président, celle dont vous êtes l'incarnation souveraine, n'est libre que pour les forts, elle est injuste pour les plus faibles qui incarnent aussi les plus dépourvus de liberté.

Les plus humbles, pour lesquels Camus voulait que la politique fût faite, ont nom aujourd'hui ouvriers et chômeurs, sans-papiers et précaires, immigrés et réfugiés, sans-logis et stagiaires sans contrats, femmes dominées et minorités invisibles. Pour eux, il n'est guère question de liberté ou de justice... Ces filles et fils, frères et soeurs, descendants aujourd'hui des syndicalistes espagnols, des ouvriers venus d'Afrique du Nord, des miséreux de Kabylie, des travailleurs émigrés maghrébins jadis honorés, défendus et soutenus par Camus, ne sont guère à la fête sous votre règne. Vous êtes-vous demandé ce qu'aurait pensé Albert Camus de cette politique si peu altruiste et tellement individualiste ?

Comment allez-vous faire, Monsieur le Président, pour ne pas dire dans votre discours de réception au Panthéon, vous qui êtes allé à Gandrange dire aux ouvriers que leur usine serait sauvée, avant qu'elle ne ferme, que Camus écrivait le 13 décembre 1955 dans un article intitulé "La condition ouvrière" qu'il fallait faire"participer directement le travailleur à la gestion et à la réparation du revenu national" (t. III, p. 1059) ? Il faut la paresse des journalistes reprenant les deux plus célèbres biographes de Camus pour faire du philosophe un social-démocrate...

Car, si Camus a pu participer au jeu démocratique parlementaire de façon ponctuelle (Mendès France en 1955 pour donner en Algérie sa chance à l'intelligence contre les partisans du sang de l'armée continentale ou du sang du terrorisme nationaliste), c'était par défaut : Albert Camus n'a jamais joué la réforme contre la révolution, mais la réforme en attendant la révolution à laquelle, ces choses sont rarement dites, évidemment, il a toujours cru - pourvu qu'elle soit morale.

Comment comprendre, sinon, qu'il écrive dans L'Express, le 4 juin 1955, que l'idée de révolution, à laquelle il ne renonce pas en soi, retrouvera son sens quand elle aura cessé de soutenir le cynisme et l'opportunisme des totalitarismes du moment et qu'elle "réformera son matériel idéologique et abâtardi par un demi-siècle de compromissions et (que), pour finir, elle mettra au centre de son élan la passion irréductible de la liberté" (t. III, p. 1020) - ce qui dansL'Homme révolté prend la forme d'une opposition entre socialisme césarien, celui de Sartre, et socialisme libertaire, le sien... Or, doit-on le souligner, la critique camusienne du socialisme césarien, Monsieur le Président, n'est pas la critique de tout le socialisme, loin s'en faut ! Ce socialisme libertaire a été passé sous silence par la droite, on la comprend, mais aussi par la gauche, déjà à cette époque toute à son aspiration à l'hégémonie d'un seul.

Dès lors, Monsieur le Président de la République, vous avez raison, Albert Camus mérite le Panthéon, même si le Panthéon est loin, très loin de Tipaza - la seule tombe qu'il aurait probablement échangée contre celle de Lourmarin... Mais si vous voulez que nous puissions croire à la sincérité de votre conversion à la grandeur de Camus, à l'efficacité de son exemplarité (n'est-ce pas la fonction républicaine du Panthéon ?), il vous faudra commencer par vous.

Donnez-nous en effet l'exemple en nous montrant que, comme le Camus qui mérite le Panthéon, vous préférez les instituteurs aux prêtres pour enseigner les valeurs ; que, comme Camus, vous ne croyez pas aux valeurs du marché faisant la loi ; que, comme Camus, vous ne méprisez ni les syndicalistes, ni le syndicalisme, ni les grèves, mais qu'au contraire vous comptez sur le syndicalisme pour incarner la vérité du politique ; que, comme Camus, vous n'entendez pas mener une politique d'ordre insoucieuse de justice et de liberté ; que, comme Camus, vous destinez l'action politique à l'amélioration des conditions de vie des plus petits, des humbles, des pauvres, des démunis, des oubliés, des sans-grade, des sans-voix ; que, comme Camus, vous inscrivez votre combat dans la logique du socialisme libertaire...

A défaut, excusez-moi, Monsieur le Président de la République, mais je ne croirai, avec cette annonce d'un Camus au Panthéon, qu'à un nouveau plan de communication de vos conseillers en image. Camus ne mérite pas ça. Montrez-nous donc que votre lecture du philosophe n'aura pas été opportuniste, autrement dit, qu'elle aura produit des effets dans votre vie, donc dans la nôtre. Si vous aimez autant Camus que ça, devenez camusien. Je vous certifie, Monsieur le Président, qu'en agissant de la sorte vous vous trouveriez à l'origine d'une authentique révolution qui nous dispenserait d'en souhaiter une autre.

Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à mes sentiments respectueux et néanmoins libertaires."

 

27 février 2010

Renaissance

Suite à plusieurs événements de ma vie personnelle, dont la narration n'a pas la place ici mais qui ont singulièrement affecté ma disponibilité, voici quelques semaines que le blog n'a pas été mis à jour.
Me voici donc de retour sur les ondes, avec une nouvelle année, et donc de nouvelles résolutions. Résolutions personnelles, mais aussi virtuelles, dans la mesure où je compte, d'ici peu, modifier l'inflexion de ce petit blog. Nouveau nom, pour commencer, nouvel esprit surtout. Jusque là je parlais des "tribulations d'un jeune prof", ce qui m'obligeait, dans une certaine mesure, à passer au crible tout ce que je publiais pour l'intégrer dans une perspective pédagogique, ou du moins réflexive.
Et ça, ça commençait à me souler, pour plusieurs raisons:
- Parler de "jeune prof" sous-entend qu'il existe de vieux profs. Il me semble pourtant que ce métier est l'un des rares dans lequel nous devons être en constant renouvellement: aucun enseignant n'est à l'abri du bordel dans sa classe ! Il me semblait donc presque pléonasmique, si j'ose dire, d'utiliser cette expression.
- Il n'y a pas de vie de prof et de vie de pas prof: c'est tout un. Jules est à la fois son métier et la petite bière qu'il prend le soir, disponible aux questions des gamins comme à l'écoute d'une toccate de Bach. Malgré tout ce qu'on dit, le cartable n'est jamais complètement ouvert ni complètement fermé. Non qu'il faille faire passer (et penser) toute ses expériences en fonction de ce qu'on pourrait en faire en classe, ce qui me semble stupide; mais l'influx de ce qui nous traverse agit de la même manière sur notre personne professionnelle, amoureuse, affective... si l'on admette encore que toutes ces casquettes soient séparées, ce dont je doute de plus en plus.
- Enfin, et surtout, j'avoue avoir été profondément blessé par un commentaire laissé par un courageux anonyme au sujet d'un article, consacré à la Fantaisie D.940 de Schubert et édité aujourd'hui, qui n'avait strictement rien à voir avec mon boulot. Cet internaute, dont je déplore qu'il n'ait pas laissé d'adresse courriel valide, a manifestement cru que j'étais prof de musique et avouait son mépris, caché sous une fausse "stupéfaction", pour la "mégalomanie" dont je faisais preuve. Comme si ce dont je parlais dans cet article, sous des propos certes maladroits car mal choisis, je le reconnais, était destiné à des collégiens de quatrième ! Je reconnais que la claque fut telle que j'étais sur le point de laisser tomber et de fermer le blog. Mais, après réflexion, il me semble aussi que ce sont ces attaques-là qui nous font avancer, et qui ont suscité la nouvelle inflexion donné au blog.

D'où un nouveau titre, une probable nouvelle mise en page qui devrait arriver dans les prochaines semaines, et, surtout, un nouvel esprit: "Choses vues, lues, sues, entendues et réfléchies"

4 janvier 2011

Champs de ruine

Oui, les champs de ruine, de guerre, plus précisément, ces longues étendues terreuses frappées par la guerre, solitudes décharnées qui se remettent à peine de l'orgasme belliqueux qui les a transformées en cartographies improbables.
J'aime à me balader sur ces champs frappés par la mort. Les monticules de terre soulevés, par ici un obus, là une tranchée défoncée, contiennent en germe des ambitions, des rêves, des haines, des espoirs déçus et insoupçonnés.
Ci-gît, les mains arrachées par tel impact, un jeune soldat qui aurait aimé jouer l'intégralité des suites anglaises au lieu de perdre stupidement la vie, emporté qu'il fut par une cause qu'il n'avait pas comprise et qu'il n'aurait pas cautionnée. Là se trouve un livre, déchiré bien évidemment, à l'instar de son propriétaire. L'oeuvre est tellement abîmée qu'il est difficile d'en déchiffrer le titre et que je dois me baisser pour regarder cela de plus près. Annoté, écorné, maintes fois ouvert, lu, relu, je finis par distinguer la
Chartreuse de Parme sur la page de garde. "Etrange mise en abyme",me dis-je en me remémorant le sixième chapitre des aventures de Fabrice avant de laisser retomber le roman, que je connais par coeur moi aussi. 
Finalement, cette étendue perdue au milieu de nulle part mais marquée au fer noir de la violence est assez représentatif de notre condition humaine. Un ensemble de trous et de bosses, monticules en plein et en creux. Trop de ceci, pas assez de cela; comme trop d'espoir d'un côté mais un manque de courage de l'autre. Ce qui donne l'inaction, le manque, la mort.
Un trou, en particulier, me retient. S'en dégage encore une douce fumée qui n'a pas l'âcreté de la poudre. Nulle verdure, nul chant comme le souhaitait le jeune adolescent, mais un trou doux et accueillant comme un ventre, ventre avorté n'accueillant rien, terre vidée là pour une cause qui ne sera pas fécondée. Féminité en jachère, n'y a t-il pas symbole plus poignant de l'inutilité ?
La vie aussi se charge de nous trop-remplir de ceci, de nous vider de cela. Quel est le moyen de transformer ce champ de ruines et d'exploiter cette terre grasse et fertile, y a t-il la possibilité d'en faire germer un champ d'orangers, des lys dressés et ouverts comme ces tombeaux à ciel ouvert ?
Et comment le savoir ? 

22 avril 2011

Mea culpa

 

Bon, l'heure est grave, j'ai déconné et je m'en mords les doigts.
Recontextualisons l'une des plus vilaines soirées de ma vie, professionnellement parlant. Cela fait plus d'une fois que je parle de mon copain John, ami devant l'éternel en dépit de son métier de prof d'anglais, responsable de ça et vivant, roulant sur un beau vélo dont il ne s'est jamais servi et, comme si ça ne suffisait pas, en région parisienne. Non mais franchement. 
Ainsi, John redescend à chaque période de vacances, et à chaque période de vacances nous allons joyeusement nous soûler la gueule (les spécialistes apprécieront le chiasme), or il se trouve que ce soir là nous étions accompagnés par celui que nous appellerons Fulbert, professeur de mathématiques de nos amis, gai compagnon de beuverie au demeurant.
Or, il se trouve que nous avons croisé à la taverne une élève de terminale de Fulbert. L'élève et l'enseignant se sont salués avec déférence, échangés les trois banalités d'usage et souhaités une bonne soirée. Mais c'était sans compter sur ce saligaud de John qui, une fois avalées deux ou trois pintes, a commencé à draguer comme un gros sale cette jeune fille sous l'oeil atterré de Fulbert, et en l'absence du mien, dans la mesure où un coup de fil important m'avait tenu écarté de ce moment d'anthologie. Je ne suis revenu qu'au moment où John smackait délicieusement cette jeune fille après avoir détourné ignominieusement la tête. Bon, Fulbert était vert, mais ce fut une bonne soirée bien débile.
Le problème est que quelques jours plus tard, John et moi seuls traînant nos guêtres dans le même bar croisâmes à nouveau la jeune fille, et à nouveau avons-nous passé la soirée avec elle à déconner, jusqu'au moment où pour blaguer nous avons appelé Fulbert pour faire une blague débile de vil poivrot que nous étions.

Soit. Or depuis, et malgré mes plus plates excuses, renouvelées, Fulbert s'obstine à ne pas répondre à mes messages, à ne jamais décrocher le téléphone, à ne plus fréquenter nos apéros du vendredi, et Fulbert me manque. C'est un ami, et je trouve débile de faire la gueule comme ça pour une histoire qui, finalement, est stupide mais qui ne mérite peut-être pas pour entériner une amitié de plusieurs années.

Allez, mon Fulbert. Puisque tu ne me permets même plus de te parler, je te présente à nouveau mes excuses pour cette connerie. Tu peux me sermonner, m'engueuler, me faire payer toutes tes pintes jusqu'à la fin de l'année, mais ce silence, il est insupportable.

9 juillet 2011

Hommage aux anonymes

Oui, voilà un peu plus de trois ans que ce blog s'est ouvert. En trois ans, il a allègrement dépassé la centaine de messages, à des fréquences plus ou moins irrégulières, et en trois ans j'ai encore du mal à lui donner une cohérence. A la base journal d'un jeune prof devenu inutile dans la mesure où une fois les premiers galons pris, les angoisses se sont dissipées d'elles-même, il est à la fois blog littéraire, support d'attaques indirectes, brouillon pour ne pas perdre la patte de l'écriture, dépositaire de belles lectures ou écoutes musicales... Merci donc à vous, nonymes ou anonymes qui prenez un peu de votre temps, tandis que la clepsydre se vide, pour parcourir ces billets.

Mon seul regret, si je puis me permettre, concerne la quasi-absence de commentaires. Non que je veuille rivaliser avec ces minots qui veulent des "coms", mais davantage pour avoir votre avis, vos réflexions, pour, pourquoi pas, établir un échange.
Merci encore à vous.

16 octobre 2011

Quoi de neuf ?

Plus ça va, moins je suis sur le web, ces derniers temps. Je consulte machinalement Facebook en journée quand j'ai une minute, depuis mon tléphone, sans rien poster.
Pourquoi onc ?

Parce que je n'arrête pas. J'aime bien cet article qui décrit un peu là où 'en suis, le besoin de bouger tout le temps en moins. Du coup, les priorités se rétablissent d'elles-mêmes. Je n'allume plus la télé, et je passe parfois une semaine sans allumer mon ordi, si ce n'est pour le boulot.
Résumons: le lundi, c'est priorité au collège. Préparation de cours, peaufinage des séances, correction de copies, assez rare dans la mesure où j'expédie ça dans les nombreux trous qui jonchent mon EdT*. L'après-midi, piano ou, comme ce sera le cas demain par exemple, tour des magasins pour moult devis. Je case le lundi tout ce que je n'ai pas le temps de faire le reste du temps: rendez-vous à la banque, à l'agence...
Mardi, journée de merde, 6h de cours dont 1h30 avec mes charmants DP6. Suivie d'une heure de cours particuliers auprès d'une (future) orthophoniste, qui m'a demandé des cours de grammaire intensifs. Si j'ai le temps, footing avec Audrey après.
Mercredi, 3h30 de cours au collège le matin, 4h de cours particuliers l'après-midi, dont la neurasthénique Amélie, une très gentille gamine que je suis depuis 2 ans 1/2, mais qui a un maaaaaaal, et ça fait maaaaaaal d'être plus fatigué par une heure avec elle que par les six autres de la journée !
Jeudi, 5h au collège et une heure de cours le soir. Idem que mardi, après direction footing.
Vendredi, c'est plus complexe. Des cours très lights avec beaucoup de trous, une heure de vie de classe, et après soit rentrée maison-piano-apéro-dîner-piano-dodo et 2h de cours particuliers le samedi matin. Soit direction train pour un week-end parisien qui me fait rentrer... le lundi soir.
Et quand on se cale, un cours de piano. Mon prof me charge de boulot pour la séance suivante, et c'est parti. En ce moment, c'est:

http://www.youtube.com/watch?v=QjM57rYsrWI&feature=related

(jouissif)

et

http://www.youtube.com/watch?v=PUNtGG1tH9c

(précis et rigoureux comme un Bach, que j'aime !)



Ceci dit, je ne m'en plains pas, les priorités se réagencent d'elle-même. J'angoisse à cause des travaux qu'il va falloir faire dans le studio, de ce monticule de travail inconnu qu'il va falloir faire avec grande attention parce qu'il y a de la thune en jeu (ben oui, se lancer dans l'imobilier pour se la jouer propriétaire, c'est pas rien !). Mais j'ai l'impression de retrouver des choses saines: je lis beaucoup en ce moment, bien plus ces deux derniers mois que les six précédents, et n'importe quand: dans l'avion le métro, le bus, les chiottes, entre deux cours, avec un café au coin fumeur...Je retrouve le goût de lire, je l'avais perdu je crois. Le footing aussi, je ne courais plus et sans difficulté je m'y remets, ça évacue les problèmes de sommeil. Rendre service à des amis et les revoir ponctuellement avec plaisir, profiter pleinement d'eux car je les vois moins. Retaper des vieux meubles, aussi, j'y prends goût et ça me détend.
Alors certes, cela change pas mal mes habitudes. Se sentir moins figé dans un train-train, ne plus se dire que je bosse de telle heure à telle heure avec des horaires précis qui balisent la journée, je vois mon bureau (un vieux bureau des douanes en chêne massif trouvé pour une misère sur le bon coin et retapé en bas de chez moi, dans le patio !) qui croule sous les papiers que j'y dépose à la hâte et que je mets en ordre quand j'ai dix minutes.
Et cette vie, elle me convient. Elle s'infléchit beaucoup depuis quelques semaines.
Donnez-moi de vos nouvelles, les gens que je n'ai pas vus depuis longtemps. Vous me manquez.

 

 

* Emploi du temps, pour les profanes

17 novembre 2012

Un petit mot en passant

Chose qui dit bien ce qu’elle veut dire : j’avais, depuis le temps, oublié le mot de passe de mon accès à Canalblog. C’est dire que j’avais perdu de vue la tenue de cet endroit, parti que j’étais vers des montagnes plus vertes.
J’y pensais, quelquefois. Fallait-il le clôre définitivement ? Ou le laisser en jachère dans l’espoir improbable qu’il repartirait ? En faire une refonte totale ? Je ne savais pas trop. Le fermer revenait à effacer tout ce que j’y avais écrit, depuis quelques années maintenant. Depuis 2007 ou 2008, je crois, ça commence à remonter, et certains de ces posts ne sont pas mal du tout, je trouve, ils m’ont bien aidé, accompagné, ils ont été une part de mesure de ce qu’a été ma vie à un moment donné. Les effacer d’un clic aurait été renier tout ça, et je n’aime pas renier. Au contraire, j’ai tendance à garder les choses dans un coin, comme des talismans qui rappellent les passages empruntés, fussent-ils de mauvais souvenirs. Quand à tout répertorier, je n’en ai pas eu le courage : long, fastidieux, avec plein de risques de pertes… Après tout, j’ai décidé de laisser courir. Avec un peu de chance, je m’y remettrai. S'il repart ce sera un blog d'écriture, un carnet de route sur un sujet du quotidien.
Et voilà, j’y reviens, un peu par hasard. Tellement de choses depuis le dernier message du mois de mars ! Je ne saurais par où commencer. Autant prendre le train en route. Je ne suis quasiment plus sur ce blog, mais beaucoup plus sur l’autre, où j’écris davantage, de manière régulière. J’ai même commencé à participer sur un magazine Web. Je n’ai jamais, finalement, lâché l’écriture, et signe d’une bonne santé morale et intellectuelle, je m’aperçois que je reviens finalement vers ce que furent mes hobbies d’antan : l’écriture, de plus en plus ces derniers temps ; la course, (qui devait devenir mais qui ne le devient pas du tout tant l’écriture va en dérivant) l’objet de ce billet ; la musique, avec le début de la clarinette, ce dont je parlais dans un billet antérieur, et le piano que je n’ai jamais abandonné ; la lecture, un peu centrée en ce moment et encore pour quelques mois par des préoccupations professionnelles… Le temps pour moi est difficile à trouver, là-même j’écris entre deux cours dans une salle des profs, mais je suis content de le faire.
Je ne ferai pas une énième promesse que je ne tiendrai pas au sujet de la régularité d’écriture, je n’en sais rien après tout et certaines promesses de convenances sont faites pour être rompues. Mais il faut savoir renouer par moments avec ce qui a été un joli marque-pages. Donc ce qui n’appartiendra pas à l’agora ira échouer ici, comme un carnet de notes sans réelle importance sur le monde tel que je le ressens.
Et c’est joli de revenir.

Ps : elle est horrible, cette couleur fadasse, il va falloir faire une mise à jour qui ressemble à quelque chose, et vite !

 

30 novembre 2012

Le ronronnement

Je suis entouré de livres, de papier vierge, de cahiers divers qui pourraient êre noircis très vite, et pourtant je n'écris pas. Je suis tétanisé par l'idée de couvrir ces pages de mes conneries narcissiques. Une vraie phrase doit être pesée, contenir son poids d'idée, son volume et sa longueur. La balance des mots. Je me terre derrière une montagne de virtualités sans avoir le courage de lancer la machine. Elle toussotera, elle crachotera sans doute quelques rots de démarrage, comme un moteur rouillé qu'on ne fait pas tourner assez, mais pourtant quelque chose me dit qu'il y a une tendance au ronronnement. Bien huilé, une mécanique utilisée quotidiennement doit tourner toute seule, ne pas faire de bruit, ni fuir. Comme les durits qui craquellent quand rien ne circule à l'intérieur, un style doit être utilisé chaque jour, lubrifié à l'encre et au café chaud. A froid, à chaud, il doit travailler et fournir non le rendement maximum sur une courte distance, comme le font les Formule 1 que tout le monde admire sans jamais les regarder, mais plutôt à l'image de ces vieux tacots increvables tant ils ont été bien conçus à la base. Les 4L, dont se servent encore les montagnards, ou mon vieux Djebel qui démarrait encore au kick.
Vous avez compris l'idée. Reste que cela demande un double courage. D'une part il faut lutter contre l'extérieur : le travail, les loisirs, les amis, les sirènes de la paresse qui vous invitent à vous vautrer dans la facilité comme les marins transformés en porcs. Mais aussi, et surtout, contre tous les démons intérieurs qui viennent siffler à mes oreilles. Tout cela ne sert à rien, personne ne lira, et les rares qui le feront par amitié ou par obligation te diront de toute façon que c'est « sympa », selon la tiédologie en vigueur. C'est terrible, autant ne rien dire dans ces moments-là. L'écrivain, ou tel que je le conçois même si j'ai quelque honte à employer ce mot si lourd pour moi, un peu comme le soldat de première catégorie revêtant la veste d'un général, par défi un soir d'ambition, est un perpétuel Sisyphe. Sans cesse le rocher de ses peurs intérieures doit être à la fois soutenu et poussé toujours plus haut, et sans cesse le voit-il chaque matin dégringoler vers la mer noire de la page blanche. On me dit d'être léger, de ne pas écrire pour prouver, qu'il faut simplement se laisser aller, que c'est facile. Sans doute est-ce une mauvaise excuse, mais cela demande un effort harassant. Pourtant la nécessité est là, elle se manifeste de tous les côtés. Par des rêves, par des réactions de fuite injustifiée et symbolique (reprendre le jogging, quelle vaste blague), par des plaintes et des transferts. Comme les bateaux qui prennent l'eau par tous les côtés, et sur lesquels de mauvais marins clouent des planches de fortune
Maintenant il faut tenir, marcher sur l'unique fil au-dessus de l’abîme.  

17 décembre 2012

Les aires d'autoroute

et tous ces endroits de passage. Quais de métro, aires d'autoroute, places de train, sièges de taxi, d'avion et autres. Autant d'endroits qui sont à la fois vacants et pleins, lisses et poreux à la fois. On les découvre vierges et porteurs de l'odeur, de la présence discrète de ceux qui les ont déjà occupés, et on les investit le temps d'un voyage, d'un café, d'une discussion tantôt plein de méfiance superficielle, tantôt anonyme et profonde, justement profonde grâce à l'anonymat qu'elle garantit. On dit facilement tout à un interlocuteur qu'on ne reverra jamais, dont le regard et le jugement n'ont pas de mémoire. Tout est là dans ces endroits pour garantir le confort de tout le monde, chacun modèle son espace de manière à l'adapter à ses propres habitudes. Le mauvais bouquin calé contre le porte-gobelet, l'ordinateur sur le socle avec le film qui ronronne, le roulage en boule pour s'endormir confortablement, confiant ses pensées au paysage qui défile tout en s'offrant en spectacle au quidam qui regarde passer les trains, spectacteur de la banalité. Abandon moite, tiède attachement. 
Justement, regardons-nous. Toutes nos façades civilisées se délitent au fur et à mesure que l'impersonnel nous envahit. Les cravates se desserrent, nos chaussures sont discrètement déchaussées, les coups d'oeil  baladeurs sur la poitrine de la voisine sont moins timides... notre nature animale reprend doucement le dessus au fur et à mesure que le voyage se déploie. Le sommeil, parfois, nous gagne, et nous offrons dans tout son abandon notre corps désarmé au regard d'autrui. C'est terrifiant.

Tandis qu'à l'arrivée, le ressort se bande à nouveau. Nous nous apprêtons à être réinséré dans le circuit de nos vies parallèles. Un tel va prendre la ligne 14 pour rejoindre Bastille, l'amoureux de la jolie brune sera là pour accueillir sa belle sur le quai, la vieille dame de devant appelle son mari pour savoir "si le taxi est bien à l'heure"... Et moi, comme les autres, redeviens humain, civilisé. Je reprends mes affaires, remets mes chaussures, cesse de parler, guette le quai par lequel on va descendre pour aller plus vite, fulminant contre la sale vieille de devant qui n'en finit pas de réunir tous ses sacs. Heureusement que Facebook me console de tout cet anonymat. Mon errance va redevenir polarisée puisque je sais maintenant où aller et vers quel but porteront mes pas. Les personnes qui m'entendront seront à nouveau identifiées, me permettant de bien vite oublier ces inconnus auprès desquels j'ai pu me laisser aller à une confidence malheureuse. Fort heureusement, ils ne pourront pas me nuire, le cas échéant je nierai de leur avoir parlé. Communiquer, oui, mais pas avec n'importe qui.

24 octobre 2008

Entre deux

Ca y est, le plus gros est fait. Avec un pote on a enlevé le fauteuil, le canapé, la table, la table basse.
Il ne reste plus que quelques conneries et on en aura fini avec cet appartement.
Ca fait bizarre d'être là, assis contre le mur de cet appart, à le voir vide alors que l'autre est plein comme un oeuf, à force d'avoir entassé des choses sans les avoir rangées. J'ai l'impression qu'on n'aura pas assez de place alors qu'il est plus grand ! Ca doit faire ça à chaque fois, mais il me tarde maintenant de pouvoir investir cette nouvelle maison, de placer nos affaires, de jouer avec les meubles pour savoir exactement ce qu'on mettra et où.
On en aura connu, des trucs chouettes ici. J'espère qu'on sera bien là-bas également.
Mode blues on
Et au fait, c'est les vacances !

12 avril 2008

C'est fini

Enfin, c'est terminé. Je suis épuisé, mais content d'avoir traversé ces épreuves. Y a eu du très dur et du faisable, pas de facile. Mais j'ai essayé de tout faire, même si je pense honnêtement que je suis trop just. On verra. Quand j'en aurai la patience, je mettrai les sujets en ligne. Pour le moment, le but de la manoeuvre c'est de récupérer du sommeil perdu. Je suis épuisé, je sens que la fatigue commence à ébranler toutes les défenses et qu'il me faudra une bonne semaine pour me remettre de cette session agreg 2008. Ce fut formateur, quoi qu'il en soit. Bon allez: littérature française: "Les routes de Julien Gracq ne mènent nulle part. Si elles ont un terme, il est sans importance, et jamais le récit n'y aboutit parce que l'essentiel est ailleurs. Mais cet ailleurs, seule la route peut le désigner. Elle ne le nomme pas, il est innommable. Elle le fait seulement pressentir et le récit se limite à enclencher des mécanismes, à faire jouer des déclics qui remagnétiseront l'espace pour mieux nous aimanter. Sur les routes de Julien Gracq s'inscrit le trajet d'une fascination. Le but géographique est dérisoire, la finalité est d'ordre mystique, à tout le moins philosophique, c'est d'initiation qu'il s'agit. La révélation est au bout du chemin, mais au fil du parcours, chacun comprend que le chemin, jamais, ne finira et que tout tient dans la promesse." littérature comparée: "Le lieu de naissance du roman est l'individu dans sa solitude, quine dispose plus d'expression exemplaire de ses intérêts les plus vitaux et qui, n'étant conseillé par personne, est lui-même incapable de conseiller qui que ce soit". latin: Ager in medio harenosus, una specie; neque flumen neque mons erat, qui finis eorum discerneret. Quae res eos in magno iuturnoque bello inter se habuit. Postquam utrimque legiones, item classes saepe fusae fugataeque et alteri alteros aliquantum attriueret. ueriti, ne mox uictos uictoresque defessos alius aggrederetur, per indutias sponsionem faciunt, uti certo die legati domo proficiscerentur: quo in loco inter se obuii fuissent, is communis utriusque populi finis haberetur. Igitur Carthagine duo fratres missi, quibus nomen Philaenis erat, maturauere iter pergere, Cyrenenses tardius iere. Id socordiane an casu acciderit, parum cognoui. Ceterum solet in illis locis tempestas haud secus atque in mari retinere. Nam ubi per loca aequalia et nuda gignentium uentus coortus harenam humo excitauit, ea magna ui agitata ora oculosque implere solet: ita prospectu impedito morari iter. Postquam cyrenenses aliquanto posteriores se esse uident et ob rem corruptam domi poenas metuont, criminari Carthaginiensis ante tempus domo digressos, conturbare rem, denique omnia malle quam uicti abire. Sed cum Poeni aliam condicionem, tantummodo aequam, peterent, Graeci optionem Carthaginiensium faciunt, ut uel illi, quos finis populo suo peterent, ibi uiui obruerentur, uel eadem condicione sese quem in locum uellent processuros. Philaeni condicione probata seque uitamque suam rei publicae condonauere: ita uiui obruti. Si je trouve le reste déjà prêt, je le mettrai. Que du bonheur non ?
20 avril 2008

Les temps changent

Et ça fait bizarre de voir que les choses évoluent, que la terre tourne alors qu'on a tendance à se complaire dans un quotidien. Depuis deux ans j'ai un peu décroché des interrogations à cause de ces concours, mais maintenant que la rigueur des révisions se fissurent, je me rends de plus en plus compte que les choses évoluent. Jérome en est à sa deuxième petite, qui a déjà deux ans; Max se rend compte qu'il va progressivement décrocher de la bio, et ils attendent, eux aussi, un bébé; mes anciens élèves de cours particuliers vont débarquer dans le supérieur; moi-même je serai un jeune prof d'ici quelques mois, avec mes cours à écrire, des copies à corriger, conseils de classes et réunions parents/profs...Nous quittons ce statut amusant d'étudiant pour nous intégrer dans les rouages de la vie active. Et nous commençons à envisager un déménagement pour la fin de l'année, afin d'avoir une vraie chambre et un vrai bureau, dans un nouvel appart que nous assumerons entièrement. C'est marrant. Ca fait plaisir, mais ça fait peur aussi. Peur d'enchaîner les compromis, de devoir systématiquement ménager la chèvre et le chou, de ne pas faire les bons choix aux bons moments. J'ai peur de négliger le piano et de n'être jamais en mesure de jouer les Goldberg intégralement comme je me l'étais promis, à cause du travail monstrueux qui me reste à fournir; ou de ne pas visiter l'Islande en chantant du Bach à tue-tête; ou de ne pas réussir à commencer et terminer une thèse dans les temps; de ne pas élever mes gamins correctement; ou que c vieux rêve de Bretagne ne soit qu'une mascarade... C'est dans ces interrogations que se situe la bonne amorce de solution, mais cette transition entre vie étudiante surprotégée et vie active où tous les coups sont permis. Enfin, wait and see.
26 mai 2008

Faire passer des colles, c'est trop bien !

Ce soir, donc rendez-vous avec la prof que je connaissais pour assister à ses colles de classe prépa Des HEC, première année. Trois étudiants, sur des sujets divers. Donc je me pointe dans cet immense bahut, que je ne connaissais que de nom et de réputation, une grande cour magnifique, un hall d'attente somptueux, les élèves faisaient presque tache ! C'est rigolo, ces gamins de 15 ans habillés à la dernière mode qui te regardent d'un air goguenard. Enfin. La prof arrive, bonjour, ça va bien tout ça, et c'est parti. Imaginez une immense pièce découpée en boxes individuels bien isolés les uns des autres, une chaleur à crever because lampes halogènes à plein tube. C'était ça, la première élève arrive, sujet de la colle: la démocratie chrétienne. Bien que super stressée, nous avons droit à un exposé de 25 minutes. Assez maladroit dans sa forme, intéressant dans son fond, même si le sujet ne me parlait pas, comme aucun des deux autres autres d'ailleurs. Elle se fait copieusement rabrouer, mais sort toute penaude avec un 10. La suivante, bien plus charmante, bien plus sure d'elle, nous délecte d'un exposé sur l'islamisme, et repart toute content avec son 14. Enfin, un truc bidon sur le sport et la politique: 13. C'est chaud. Mais c'est génial, si jamais j'ai l'occasion de faire ça l'an prochain ou l'année suivante, ce serait vraiment excellent. Voir les élèves galérer, sentir la pensée qui improvise, l'étudiant qui doit se rattraper... Trop fort. A suivre, vraiment !
4 mars 2008

Inauguration

Ben dis donc,
Je suis surpris par la facilité avec laquelle un utilisateur lambda peut se créer un espace personnel sur la toile. Donc en ce 4 Mars 2008, voici l'ouverture de ce blog, qui durera plus ou moins longtemps, qui n'est destiné à personne en particulier donc à tout le monde. Amis ou non, vivant loin ou non, bienvenue à vous.

Mais d'ailleurs, pourquoi un blog ?
Il faut croire qu'il n'y a que les idiots qui changent d'avis: je pensais encore il y a peu de temps que les blogs ne constituaient qu'une mode stérile lancée par quelques ados pour raconter leurs lieux communs et partager des photos idiotes. Jusqu'à ce que je découvre quelques blogs vraiment sympas qui m'ont fait changer d'avis. Donc lieu d'expression, espace d'échanges, point de rencontre virtuel avec les gens qu'on aime et qu'on ne peut malheureusement pas voir fréquemment, plus commode que l'éternel msn parce que l'obligation de répondre n'est pas maintenue: voilà les premieres idées qui me viennent en pensant à ce concept.

Quelques tergiversations ont été nécessaires pour trouver le nom du blog. Certains d'entre vous auront immédiatement deviné la référence littéraire cachée derrière ce nom d'Arnheim, les autres n'ont qu'à chercher. C'est à la fois la sonorité du mot, le contexte de découverte du texte auquel il est lié (ce que tous les agrégatifs en Lettres modernes de 2008 saisiront immédiatement) et l'atmosphère qu'il évoque, lié au titre de cet article, Inauguration, aux résonances quelque peu malhériennes, qui m'ont poussé à choisir ce nom.
Il me reste maintenant à le remplir, un peu comme un coffret dans lequel on ajoute plus ou moins pêle-mêle différentes choses qui finissent, par reliance, par former un tout.

9 mai 2009

Alea jacta est

Enfin, erit, à vrai dire: j'en saurai davantage fin Mai Après nous avoir fait stresser pendant toute une après-midi sur un hypothétique envoi au fin fond de la Lozère, les postes disponibles l'an prochain dans mon département (car je précise à l'attention du profane égaré sur les voies sans issue de la toile que je suis dans le privé). Ce n'est pas si mal, finalement. Notamment un renversement de situation assez amusant. Je m'explique: l'an dernier, vers la fin du mois d'Août je stressais d'atterrir dans un établissement inconnu, moi qui convoitais le collège qui avait abrité toute ma scolarité. D'où ma déconvenue lorsque le sésame tant espéré fut attribué à une autre, laquelle voulait le lycée qui m'était échu. L'année se déroulant, j'en vins à aimer de plus en plus ce lycée, au point de ne pas avoir envie d'en partir. Seulement celui qui prendra mes heures doit faire des heures de grec, matière pour laquelle je suis parfaitement incompétent. Tristesse. Amertume. Du coup, j'en suis venu à repostuler dans l'établissement initial, et à ma copine de venir faire les yeux doux dans mon lycée. Un échange paradoxal de bons procédés. C'est étrange comme les choses se déroulent: ce lycée que j'abhorrais en début d'année est devenu un bercail dans lequel j'aspire à revenir, tandis que je retournerais presque en traînant les pattes dans mon collège. Comme quoi, la vie nous forme, malgré nous ! Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre.
16 novembre 2009

Chose lue...

...Il y a quelques jours sur un site célèbre qui "vous permet de rester en contact et d'échanger avec les personnes qui vous entourent", le commentaire d'une amie sur notre beau métier: 


 "faut arrêter de penser qu'enseigner c'est le truc du siècle. Vous n'allez pas changer le monde dans votre petite classe alors rien ne sert d'avoir la grosse tête!"


Phrase intéressante, publiée il y a déjà quelques jours et passée à la trappe depuis, tellement les choses changent vite. Mais il n'en reste pas moins que ce commentaire, ce "statut" m'a quelque peu interpellé, dans la mesure où il établit un rapport direct entre le rayon d'action, l'étendue de notre capacité à faire évoluer les élèves; et la vanité personnelle que nous serions en droit d'en tirer. Il nous serait permis d'avoir "la grosse tête" dans la mesure où notre métier nous permet de changer le monde. Action-réaction, CQFD, action-réaction vigoureusement, justement (et poétiquement) dénoncée par cette amie qui s'insurge, manifestement, contre le comportement de certains collègues. A juste titre, peut-être.
Mais ce qui me dérange dans ce message, c'est l'intime conviction que notre métier ne va pas changer le monde. Prosaïquement, j'aurais tendance à penser que ce sont les nouvelles générations, celles qui arrivent, celles qui sont assises tous les jours pour partager nos cours, qui vont, effectivement, changer le monde. Et dans la mesure où nous participons directement à l'édification (vilain mot, mais dont la sonorité m'a toujours plu) de ces chers bambins, je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à penser qu'effectivement, nous participons carrément à changer le monde. 
De fil en aiguille, cela me rappelle une anecdote qui s'est déroulée jeudi dernier. Profitant d'un devoir, je m'étais mis à vérifier les cahiers de mes élèves: propreté, tenue générale, clarté des cours... et en ouvrant le cahier de l'un d'eux, j'ai vu sur la page de garde, écrit en gros, FRANCAIS. Jusque là, rien de plus normal, s'il n'y avait écrit en dessous: FRANCE, et, plus bas, aux français... Je dois bien l'avouer, et j'ai presque honte de l'écrire: en dépit de la surprise et de la colère, je n'ai rien fait. J'ai continué mon inspection de ce cahier et des suivants car 1/je ne voulais pas réagir à chaud sans y avoir réfléchi, et 2/le devoir était lancé, me lancer dans une diatribe eût été hors de propos. Il va falloir réagir d'une manière ou d'une autre, c'est évident, mais je ne sais, sincèrement, pas comment m'y prendre. Peut-être sous forme de débat, j'en sais rien.
Mais pour revenir à nos moutons, il me parait d'autant plus urgent, en vivant ce type d'anecdote, d'être convaincu que oui, nous contribuons en première ligne à l'édification (oui, je sais) du monde de demain. Non en voulant que nos élèves deviennent ce que l'on voudrait qu'ils soient ou ce que l'on aurait aimé devenir, mais en leur donnant leurs propres armes pour penser et bâtir le monde.

3 septembre 2008

Tempête sous un crâne

Ca fait un bail que je n'ai pas alimenté le blog. Avec la pénurie d'internet, nous sommes obligés de nous sevrer, et c'est dans les quelques endroits où je trouve une connexion que je consulte les informations principales: mes comptes, mes mails, etc...
Plein plein de choses en dix jours. En peu de temps, ma vie a pris un gros coup. J'ai donc été affecté. Une classe de seconde dans un grand lycée très BCBG de chez moi, alors que je m'attendais à un collège. Et des 1L pour quelques cours à droite à gauche. Techniquement, j'aurais pu tomber pire: nous sommes peu à avoir atterri en lycée, en plus c'est un bon établissement, dans lequel la discipline sera, je l'espère, respectée. J'ai assisté à la prérentrée, où j'ai été plutôt bien accueilli. L'emploi du temps n'est pas trop dégueulasse, les collègues sont sympas.
Il reste qu'à deux jours de donner mon premier cours, c'est tempête sous un crâne: est-ce bien ce métier que je veux faire ? Y serai-je heureux ? Pourrai-je m'y épanouir ? Ma place n'est-elle pas ailleurs ? Suis-je prêt à passer plusieurs dizaines d'années à faire les mêmes choses ?...Il y a des moments où j'ai envie de fuir, de démissionner, de tout quitter, de me casser de ce bordel. Le CAPES, ce n'est rien, en comparaison de l'angoisse qui m'envahit alors même que je n'ai pas pris contact avec mes élèves...Je préfèrerais encore me retaper une année d'agreg.
C'est dur, d'endosser une carapace d'adulte, et de quitter progressivement le doux cocon d'étudiant que je m'étais fait. Certes, il commencait à se craqueler sérieusement, il était temps d'opérer quelques changements, mais là tout s'enchaîne si vite, sous est si soudain, semble tellement définitif... Rien n'est définitif, rien n'est grave, mais c'est angoissant. Je fais le malin, bien souvent, mais les amis voient bien que je suis mort de trouille. Mais tout quitter maintenant serait une terrible défaite sur moi-même. Quoi qu'il se passe, et j'espère que je relirai ce mot en riant dans quelques mois, il faut le faire de tout mon coeur, sans abandonner le combat d'avance.
Donc haut les coeurs.

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