Eloge des lignes
Les quelques personnes qui me font le plaisir (et l'honneur !) de fréquenter ce blog, de manière plus ou moins régulière, auront remarqué son ton souvent...caustique et désinvolte, qui a même induit certains d'entre elles à me taxer de sale prof imbu de sa pédagogie, voire même de plaindre les pauvres élèves qui ont le malheur de tomber sous ma direction l'espace d'une année.
Soit. Ces jugements sont, heureusement, le plus souvent tempérés par une franche discussion qui a elle-même valeur de conseil, et je m'en félicite: comme dit ma maman, tant qu'il y a conflit, il y a dialogue.
D'où mon dernier exploit avec mes troisièmes. Une bonne classe, malgré une légère tendance au je-m'en-foutisme, mais dont l'attitude a franchement commencé à m'agacer lorsque je m'aperçus hier que la moitié de la classe ne m'avait pas suivi pour monter en cours et avait préféré traîner dans les couloirs, de sorte qu'ils sont arrivés avec deux bonnes minutes de retard. Réfrénant le CDGP (Coup De Gueule Primal) qui commençait doucement, mais sûrement, à étreindre mon larynx, je pris mon feutre et écrivis de ma plus belle écriture au tableau: "Je ne traine pas comme une limace pour monter au cours de français." 100 fois.
C'est pas bien, hein, je sais. Mais 1/ça m'amuse de les imaginer faire leur punition au lieu de jouer à la Play, et 2/à force de prendre des lignes, peut-être finiront-ils par comprendre qu' "on n'est pas au stade ici", comme je ne manque pas de leur répéter.
Mais s'il y a bien UN truc qui m'agace, mais vraiment, c'est la tête de con (car c'est une tête de con, ne l'en déplaise) qui vient me soutenir qu'il est interdit de donner des lignes parce que ce n'est pas une sanction éducative. Mon dieu, que cet argument stupide a tendance à faire émerger le MCDGP (Méga Coup De Gueule Primal, faut suivre) lorsque quelqu'un vient me l'objecter de la voix mielleuse de celui qui se croit plus malin que les autres (le plus souvent 1/un parent d'élève, 2/unE collègue (j'y insiste, comme aurait dit Gracq(et oui, ce salopard est misogyne, de surcroit)).
Certes, cette tradition des lignes, du pensum, pour reprendre le terme exact, est interdite depuis l'arrêté du 5 Juillet 1980, car ce type de sanction, en gros et en évitant tout le verbiage philosophique, ne profite pas à l'élève, ne lui apprend rien, ne lui apporte rien, ne fait que lui faire perdre du temps stupidement. Cela, je l'admets, à un tel point que c'est le seul but que je recherche en leur donnant, devenant ainsi un hors-la-loi, des lignes: faire perdre autant de temps à l'élève qu'il m'a fait perdre d'énergie à le menacer une, deux, trois fois de la sanction qui allait tomber. Et ce n'est certainement pas à moi de perdre du temps et de l'énergie à corriger nue copie supplémentaire: c'est l'élève qui est puni, pas moi. Et je me refuse à transformer quelque chose d'ingrat en quelque chose d'utile facilitant l'apprentissage, ou de donner de "beaux" textes à copier en guise de punition, comme le font certains: lire Proust est un plaisir, un honneur. Pas une sanction.
Dici.
J'en connais qui vont gueuler, là.