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17 décembre 2012

Les aires d'autoroute

et tous ces endroits de passage. Quais de métro, aires d'autoroute, places de train, sièges de taxi, d'avion et autres. Autant d'endroits qui sont à la fois vacants et pleins, lisses et poreux à la fois. On les découvre vierges et porteurs de l'odeur, de la présence discrète de ceux qui les ont déjà occupés, et on les investit le temps d'un voyage, d'un café, d'une discussion tantôt plein de méfiance superficielle, tantôt anonyme et profonde, justement profonde grâce à l'anonymat qu'elle garantit. On dit facilement tout à un interlocuteur qu'on ne reverra jamais, dont le regard et le jugement n'ont pas de mémoire. Tout est là dans ces endroits pour garantir le confort de tout le monde, chacun modèle son espace de manière à l'adapter à ses propres habitudes. Le mauvais bouquin calé contre le porte-gobelet, l'ordinateur sur le socle avec le film qui ronronne, le roulage en boule pour s'endormir confortablement, confiant ses pensées au paysage qui défile tout en s'offrant en spectacle au quidam qui regarde passer les trains, spectacteur de la banalité. Abandon moite, tiède attachement. 
Justement, regardons-nous. Toutes nos façades civilisées se délitent au fur et à mesure que l'impersonnel nous envahit. Les cravates se desserrent, nos chaussures sont discrètement déchaussées, les coups d'oeil  baladeurs sur la poitrine de la voisine sont moins timides... notre nature animale reprend doucement le dessus au fur et à mesure que le voyage se déploie. Le sommeil, parfois, nous gagne, et nous offrons dans tout son abandon notre corps désarmé au regard d'autrui. C'est terrifiant.

Tandis qu'à l'arrivée, le ressort se bande à nouveau. Nous nous apprêtons à être réinséré dans le circuit de nos vies parallèles. Un tel va prendre la ligne 14 pour rejoindre Bastille, l'amoureux de la jolie brune sera là pour accueillir sa belle sur le quai, la vieille dame de devant appelle son mari pour savoir "si le taxi est bien à l'heure"... Et moi, comme les autres, redeviens humain, civilisé. Je reprends mes affaires, remets mes chaussures, cesse de parler, guette le quai par lequel on va descendre pour aller plus vite, fulminant contre la sale vieille de devant qui n'en finit pas de réunir tous ses sacs. Heureusement que Facebook me console de tout cet anonymat. Mon errance va redevenir polarisée puisque je sais maintenant où aller et vers quel but porteront mes pas. Les personnes qui m'entendront seront à nouveau identifiées, me permettant de bien vite oublier ces inconnus auprès desquels j'ai pu me laisser aller à une confidence malheureuse. Fort heureusement, ils ne pourront pas me nuire, le cas échéant je nierai de leur avoir parlé. Communiquer, oui, mais pas avec n'importe qui.

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