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4 janvier 2011

Champs de ruine

Oui, les champs de ruine, de guerre, plus précisément, ces longues étendues terreuses frappées par la guerre, solitudes décharnées qui se remettent à peine de l'orgasme belliqueux qui les a transformées en cartographies improbables.
J'aime à me balader sur ces champs frappés par la mort. Les monticules de terre soulevés, par ici un obus, là une tranchée défoncée, contiennent en germe des ambitions, des rêves, des haines, des espoirs déçus et insoupçonnés.
Ci-gît, les mains arrachées par tel impact, un jeune soldat qui aurait aimé jouer l'intégralité des suites anglaises au lieu de perdre stupidement la vie, emporté qu'il fut par une cause qu'il n'avait pas comprise et qu'il n'aurait pas cautionnée. Là se trouve un livre, déchiré bien évidemment, à l'instar de son propriétaire. L'oeuvre est tellement abîmée qu'il est difficile d'en déchiffrer le titre et que je dois me baisser pour regarder cela de plus près. Annoté, écorné, maintes fois ouvert, lu, relu, je finis par distinguer la
Chartreuse de Parme sur la page de garde. "Etrange mise en abyme",me dis-je en me remémorant le sixième chapitre des aventures de Fabrice avant de laisser retomber le roman, que je connais par coeur moi aussi. 
Finalement, cette étendue perdue au milieu de nulle part mais marquée au fer noir de la violence est assez représentatif de notre condition humaine. Un ensemble de trous et de bosses, monticules en plein et en creux. Trop de ceci, pas assez de cela; comme trop d'espoir d'un côté mais un manque de courage de l'autre. Ce qui donne l'inaction, le manque, la mort.
Un trou, en particulier, me retient. S'en dégage encore une douce fumée qui n'a pas l'âcreté de la poudre. Nulle verdure, nul chant comme le souhaitait le jeune adolescent, mais un trou doux et accueillant comme un ventre, ventre avorté n'accueillant rien, terre vidée là pour une cause qui ne sera pas fécondée. Féminité en jachère, n'y a t-il pas symbole plus poignant de l'inutilité ?
La vie aussi se charge de nous trop-remplir de ceci, de nous vider de cela. Quel est le moyen de transformer ce champ de ruines et d'exploiter cette terre grasse et fertile, y a t-il la possibilité d'en faire germer un champ d'orangers, des lys dressés et ouverts comme ces tombeaux à ciel ouvert ?
Et comment le savoir ? 

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