bientot fin Janvier !
bye bye Paris
Papa, je ferai quoi plus tard avec mon DEA de lettres ?
Tu seras caissière, et tu écriras des bouquins.
C'est en allant chercher un paquet de lessive (et oui, les plus grandes pensés prennent toujours leurs sources dans des actions quelque peu futiles !) que je suis tombé sur ce bouquin. Je n'ai pas 15 euros à foutre là-dedans, je me suis donc contenté de lire la quatrième de couverture avant de le remettre soigneusement à se place et de continuer, pensif, mes tribulations intermarchesques.
Le principe de ce bouquin n'est pas idiot, assez amusant même: une caissière de supermarché raconte toutes les anecdotes vécues en huit ans de travail. J'imagine bien volontiers qu'elle a dû en voir des vertes et des pas mûres, encore que je n'ai jamais eu l'occasion d'assister à un lynchage de caissière et que je n'ai pas trop dans mon imaginaire d'aversion pour ces professions. Tout au plus me dis-je que ça dit être super chiant comme boulot. Mais de là à ce qu'on fasse, comme on le fait trop souvent, des caissières et des caissiers le réceptacle, l'étalon de la bêtise humaine (qui est la chose du monde la mieux partagée), cette tendance me gêne un peu. C'est vrai après tout, il y a une métaphysique de la caissière: en épluchant avec son BIP toutes nos courses, elle passe en revue toute notre intimité: les culottes trop grandes, les yaourts pas bios, les capotes pudiquement rangées dans une petite boite...Peut-être qu'être désagréable avec la caissière n'est qu'une attitude de défense contre celle qui a vu défiler toutes nos affaires, y compris celles que l'on veut cacher. Une sorte de bouc émissaire, finalement.
Mais ce qui me dérange vraiment, c'est l'attitude de cette dame, que je n'ai pas l'heur de connaître, qui joue sur le refrain "regardez cette société qui n'est pas capable de considérer à sa juste valeur un DEA de lettres et qui ne me propose qu'un emploi de caissière." Loin de servir le monde des lettres, elle le rabaisse une fois de plus: en commençant un DEUG de lettres, tout étudiant doit savoir que les débouchés de cette voie sont peu nombreux. Les lettreux ne servent à rien, c'est un fait. Il me semble que le bon sens aurait dû présider au choix des études de cette jeune bachelière, d'autant plus que même si ces débouchés sont minimes, ils sont présents: journalisme, (nombreux) concours dans l'administration, enseignement, bibliothèques... Pour quelqu'un qui n'est pas bête, ce qui est certainement son cas, il est tout à fait possible de se faire une place. Je connais même quelqu'un qui se recycle, avec beaucoup de courage, de l'enseignement jusqu'au monde des bibliothèques. Par conséquent, il me semble (je modalise, car je ne connais pas les "tribulations" de cette Anna) que cette jeune dame se complait dans cet atermoiement, dans cette attitude de victime qui ne fait honneur ni à l'univers des caissières, car je suis persuadé qu'on peut être heureux en étant caissière, ni à celui des lettres.
Après tout, pendant cinq ans j'ai livré des pizzas, et j'ai toujours dans l'idée d'en écrire un petit bouquin, mais même si j'en ai chié, je ne me souviens pas avoir eu le désir de lâcher mes études pour cela. Cette étape ne fut qu'un passage qui m'a permis de devenir prof. Et puis c'est tout. Donc jouer sur ce crédo de la caissière incomprise est, pour moi, de la lâcheté.
Lisez quand même la quatrième de couverture, c'est assez édifiant.
"On enseigne la littérature française comme si c'était une langue morte."
Pour le coup, je dirais que c'est la réflexion la plus pertinente de l'année.
Elle sort de la bouche d'un IPR d'éco de l'académie de Paris, qui a fait mercredi une petite intervention sur le thème de la réforme du lycée. Autant dire qu'il arrivait en terrain hostile ! Un type très bien d'ailleurs, spécialisé dans l'orientation et webmaster de ce site: http:///conseilsdeclasse.letudiant.fr
Bref. C'est en évoquant l'enseignement des lettres et les sérieux remaniements que la réforme allait y amener qu'il a dit cette phrase qui, malgré la part de provocation qu'elle contient, est assez représentative de l'attitude de nos chères têtes blondes par rapport aux textes qu'on leur fait étudier.
Durant les rares cours de latin que j'ai suivis, les profs faisaient systématiquement une recontextualisation historique du texte que l'on s'apprêtait à traduire, parce que dans mon ignorance, et il faut bien parler d'ignorance crasse à ce sujet, hein, les distinctions entre les différentes périodes de l'histoire romaine me sont complètement étrangères. Alors certes, c'est relativement inacceptable de la part d'un futur prof de lettres que de mettre dans un même panier Virgile, Cicéron, César, Horace et Plaute, comme étant des auteurs latins, point barre. Pour un latiniste, cela est aussi aberrant que d'aborder Montaigne et Vian comme s'ils étaient contemporains. A la différence près que le latin est une langue morte, figée, considérée comme à travers les vitres d'un musée.
Et force est de constater que pour mes élèves, c'est un peu la même chose. Les différences de période, de siècle, de mouvement...les laissent à peu près indifférents: tous les auteurs sont considérés en synchronie, sans prendre en compte l'épaisseur de la poussière qui les recouvre. Il n'est pas choquant, pour eux, de situer Diderot à la Renaissance ou Montaigne en pleine querelle des anciens et des modernes. Et je me suis aperçu aussi que je ne tenais pas assez compte de ce manque de perspective. Je ne vais pas parler de bêtise ou d'ignorance, sobriquets dont on affuble si facilement les élèves maintenant, mais l'explication vient surtout, et je me plante peut-être, de la perte de matérialité des choses. Tout devenant virtuel, l'histoire, et par conséquent l'Histoire, n'ont plus aucune épaisseur: les événements d'hier n'ont plus d'incidence sur les événements d'aujourd'hui, comme si les pages se rafraîchissaient d'elles-même au fur et à mesure que l'on saute les générations.
D'ailleurs, ce passage de la diachronie à la synchronie ne fait que se confirmer lorsqu'on aperçoit un peu ce qui se profile à l'horizon concernant l'enseignement du français. Il faut encore bien distinguer les chimères de ce qui sera effectivement, mais il y a fort à parier que notre travail sera bien plus technique, dans le mauvais sens du terme, que littéraire: synthèses, résumés, études d'articles de presse...Bref, quelque chose me dit que nous deviendrons plus des profs de culture générale que des profs de français. "Et cela est-il aberrant ? ", disait l'intervenant. Non, certes, cela n'est pas aberrant, si l'on considère que le français doit devenir, comme tant d'autres matières, utilitariste. Mais je doute que les futurs étudiants passés au crible d'un tel formatage soient plus tard en mesure de lire un conte de Perrault à leur gosse pour les endormir, ou aient le réflexe de prendre leur Montaigne pour y puiser cette morale du bon sens.
Il faudra voir comment les choses évoluent. Je pense qu'il est idiot de se braquer immédiatement pour des choses qui ne sont pas encore certaines, mais il y a également des terrains sur lesquels il ne doit pas être question de négocier. La culture en fait partie, pour qu'il n' y ait plus besoin que l'on pense à notre place.
Les dimanches matin du prof
Chaque dimanche matin, je me fais niquer. C'est systématique. Les week-end se suivent, se ressemblent, et chaque fois c'est pareil: je n'arrive pas à dormir le dimanche matin. Je me réveille vers 6h30 et c'est terminé. Rien de bien dramatique, cela dit, c'est seulement agaçant.
Les vacances approchent, et j'en ai bien besoin parce que j'ai les boules. J'ai subi ma première visite jeudi, qui s'est bien passée. J'ai été disséqué en long, en large et en travers, pas mal de points négatifs sont ressortis mais ce furent des trucs constructifs. En revanche, j'ai BEAUCOUP de mal à digérer la "fiche de positionnement" que ma tutrice a dû remplir. Pour être honnête, ça m'a pourri mon week-end.
Parce que je n'ai pas le sentiment de mériter toutes ses "remarques" et "observations", parce que cette fausse bienveillance bovine m'a renvoyé l'impression d'être un demeuré incompétent, parce qu'elle me demande des trucs que je suis incapable de faire après trois mois d'enseignement...Je suis plutôt un gentil garçon, mais là je commence à avoir les boules. Donc m'en tenir au minimum administratif, être au lycée quand il le faut: voilà quel sera mon nouveau credo. Sans oublier de ne plus y foutre les pieds avant quelques années. Je pensais être un homme de bonne volonté, apparemment ce n'est pas le cas. Maintenant je vais assumer cette remarque: ses sorties cinéma et autres sorties pédagogiques à la con, ce sera sans moi. J'ai un peu autre chose à foutre.
Mais au moins j'aurai repris contact avec ma copine Jess. J'avais les boules vendredi soir, je voulais voir du monde, j'ai donc été manger chez Jess, quitte à me taper une centaine de bornes.
Il me faudrait des heures pour vous parler de Jess. En quelques lignes, c'est le genre de personne que j'aime profondément, même si elle m'agace suprêmement parfois. Et donc, il m'a suffi d'un coup de fil pour m'inviter à dîner. C'était bien. Merci ma Jessy, je t'adore.