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Blog de littérature

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22 octobre 2009

Semi-pétage de plombs

Eh oui, même chez un lymphatique comme moi ça peut arriver.
Je supporte pas mal de trucs, étant ce qu'on appelle communément de bonne composition. Ayant de plus une tendance ô combien salutaire dans ce métier à tout prendre au second degré, je ne crois pas être de ces enseignants qui sortent facilement de leurs gonds.
Mais s'il y a bien un truc que je ne supporte pas, c'est la lâcheté, la fourberie, l'hypocrisie, les gens qui agissent par derrière et qui font les innocents. Eux je les nique, en bonne et due forme.

Or, j'ai le cas dans une de mes classes. Deux gamins pénibles, le premier parce qu'il est bête et pas très malin: je le supporte et le recadre quand j'en ressens le besoin, et le second, objet de ce post. Ce gosse est arrivé deux semaines après la rentrée, viré du collège précédent pour une sombre histoire de mâchoire de petit camarade cassée suite à une franche discussion...
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il a pris son temps avant de commencer. Je le trouvais calme, discret, le genre de calme qui n'augure rien de bon. Au niveau des résultats, pas de problème: un bon élève. Mais un esprit de merde. L'ami Sylvain n'a commencé que la semaine dernière à se manifester... en tapant des pieds par terre alors que j'écrivais au tableau. En me retournant un peu rapidement, je crois l'avoir surpris. Manque de preuve, je ne l'ai pas épinglé et me suis contenté de dicter le cours "à cause de l'imbécile qui s'amusait à faire des claquettes." Le message a été reçu, plus de bruit depuis, jusqu'à ce midi où monsieur faisait régulièrement tomber son stylo en voulant le faire tourner. Une remarque désagréable a suffi. L'avantage c'est que je crois avoir la classe avec moi.
Et tout à l'heure, de quatre à cinq, je faisais cours avec mes cinquièmes, les gentils, ceux-là. Une salle située en rez de chaussée, qui donne sur la cour. Et qui vois-je qui s'amuse à mater les cours d'un gamin, le nez collé à la fenêtre ?
Sylvain.
Mon sang n'a fait qu'un tour (ce qui me fait dire, rétrospectivement, que je commence à accumuler pas mal de fatigue: le moindre truc me met hors de moi), et j'ai bondi à la fenêtre pour pourrir Sylvain, devant ses pote, bien comme il faut. Regard baissé, fuyant au début, il a vite voulu couper court par un "ouais c'est bon...", et il a fallu que je lui gueule dessus pour qu'il daigne me regarder dans les yeux. Fin de l'engueulade, je reprends mon cours face à ma cinquième, médusée de me voir en colère.
A la fin du cours, je pars comme une balle et j'alpague le Sylvain à la sortie, où je lui ai mis une seconde couche, en lui disant clairement que je détestais son attitude, son mépris et son arrogance, et que l'affaire serait mise sur la table le lendemain, en réunion parents-profs. Il m'a semblé avoir les larmes aux yeux. Je l'espère bien, d'autant plus que je ne suis pas le seul à me plaindre de lui.
Donc bilan demain avec les parents. D'ici là le soufflé sera retombé, et j'espère que tout se goupillera bien. 

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20 octobre 2009

Sujet de dictée

alain

"Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver, et il n'y a point de mystère là-dedans. Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter ; si vous l'avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer c'est être heureux."

Propos sur le bonheur "Victoires" - 18 mars 1911 - Alain

18 octobre 2009

Réunion parents-profs

dessin_1969_2009_parents_enseignants_2


Vendredi soir, au rapport: première réunion parents-profs de l'année, et en l'occurrence de ma carrière. J'avais en effet loupé celle de l'an dernier, faute d'avoir été prévenu...
Ca a un petit côté confessionnal ces réunions: deux profs par salle, les parents qui défilent pour discuter de leur progéniture, jusqu'à épuisement des dits-parents. Dans mon collège c'est la classe: j'avais reçu un emploi du temps de ceux qui venaient. Cinq minutes par tête, j'en avais jusqu'à sept heures et demie. Et de fait, je n'ai pas dépassé.
J'étais un peu anxieux à l'idée d'affronter les parents, tellement on a tendance, nous autres enseignants, à se liguer contre la connerie parentale qui devient, hélas, de plus en plus proverbiale. Dans cette génération ludique, on voit de plus en plus le Parent, désireux de s'attirer l'amour de son enfant en se mettant à son niveau, rendre l'enseignant responsable de tous les problèmes de leur adulescent chéri. C'est logique, et la majorité des enseignants sont d'accords: il est plus facile de brosser dans le sens du poil que de pousser une gueulante, les profs sont là pour ça après tout.



C'est donc dans cet état d'esprit que je préparais mes deux tables contiguës avec mon carnet de bord, mes notes et tout et tout. Je m'attendais à me prendre quelques claques dans la gueule, claques d'autant mieux envoyées qu'elles s'adressent à un jeune enseignant.
Mais tout s'est bien passé. Sur la vingtaine de parents que j'ai reçus, une majorité était accompagnée de leur enfant (comme je l'avais souhaité), à peu près tous m'ont donné une impression, vraie ou simulée, de solidarité et d'écoute. De mon côté, à l'instar de Rousseau, j'ai dit le bien et le mal avec la même franchise, même si cela devait occasionner un regard un peu surpris chez le parent qui entendait les frasques de leur progéniture, laquelle manifestait alors un intérêt subit et inextinguible pour le carrelage de la salle. Mais aucune contestation, aucune réclamation ou remarque concernant mon boulot ou mes choix pédagogiques que je ne cachais pas, par ailleurs: "telle ou telle attitude ne m'a pas convenu, j'ai donc fait le choix de donner telle ou telle sanction." Rester clair, poli, bienveillant et concis.
Un début encourageant, donc. Comme on me l'avait dit, pas mal de parents que j'aurais vraiment aimé voir ne sont pas venus, et beaucoup sont venus s'entendre dire que tout allait bien, ce qui est de bonne guerre.
Espérons que ça se passe aussi bien la semaine prochaine: les parents de mes troisièmes !
 

13 octobre 2009

Deux à zéro

Depuis quelques semaines je vous narre, entre autres, les aventures de ma terrible cinquième 3. Celle de Fabio, entre autres. 
En fait, cette classe a subi une véritable hécatombe: de 19 élèves, on est tombé à 14 en un mois ! Un qui a changé de classe, un autre qui a changé de collège parce qu'il ne supportait pas l'ambiance, un qui n'est carrément jamais venu, et deux qui se sont fait virer.
Dont un qui m'a pourri mon premier mois. Un gosse infernal. Intelligent, manifestement intelligent, mais qui n'avait strictement rien à foutre de ce qu'on pouvait lui enseigner à l'école, que ce soit au niveau des connaissances ou du savoir-vivre. Je dois bien avouer qu'avec lui j'ai atteint mes limites: il me faisait péter les plombs. Vraiment.
Aussi calme que je sois, j'étais à eux doigts, vendredi, de lui envoyer une chaise en travers de la gueule, avant de décider, mi-découragé par la perspective de reconnaître mon incapacité et mi-soulagé pour les autres élèves avec lesquels j'allais pouvoir faire quelque chose , que je ne l'accepterais plus en cours. J'écris au conditionnel car je n'ai pas eu à le faire: il n'était pas là hier. Il est viré, il s'en va. 
Je suis véritablement soulagé de pouvoir reprendre ma classe en main, une vraie classe un peu agitée, d'un niveau extrêmement faible, mais avec des éléments normaux. Parce qu'avec ces fauteurs de trouble, on était dans l'anormalité. Et malgré les diverses casquettes dont on nous affuble, nous sommes des spécialistes de notre matière avant d'être des éducateurs.

6 octobre 2009

Dys' à zéro

Mercredi dernier, j'ai donné à tous mes cinquièmes un sujet de rédaction, parce qu'il faut les faire écrire. Les instructions officielles précisent clairement qu'un enfant ne peut acquérir le goût de la littérature s'il n'écrit pas lui-même régulièrement. A raison, d'ailleurs. On pourrait presque le présenter comme un pont tendu entre une volonté récalcitrante et l'univers de la littérature. En établissant la pratique régulière de la lecture, c'est un peu comme si les deux côtés du pont se réunissaient et qu'une jonction pouvait s'établir. 
Enfin soit. Le sujet était quand même simple et laissait énormément de lattitude: faire un récit ou un début de récit d'une vingtaine de lignes, dans le type de leur choix parmi ceux que l'on avait vus. D'aucuns s'insurgeront et diront que cette liberté est justement ce qui effraie l'enfant, et qu'un maximum de consignes lui permet au contraire de se libérer...

Et ce n'est pas sans une certaine émotion que je vous retranscris la copie qu'un élève m'a rendu hier, non sur une feuille mais sur un bout de feuille découpé au ciseau. C'est assez émouvant.

Le Rugby

Nicolas joue dans une équipe de rugby qui s'appelle Toulouse. Un jour il va en finale contre toulon, il gagne il est trés heures, sont équipe a le troffé de champion de france et le soir venue ils font la féte.

Ca me rappelle un peu les anciens exercices qu'on donnait aux gamins: "écrire à la manière de". Rimbau et Flaubert ont commencé comme ça. On y serait presque, avec cette "copie" de Vincent.
Mais à la manière de qui ? Je vous laisse y réfléchir 

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4 octobre 2009

Choses vues

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On ne vous le fait pas dire

4 octobre 2009

C'est pas toujours marrant

Y a aussi des moments où être prof revient à prendre des décisions.
J'ai une gamine, qui s'est retrouvée par chance dans une excellente classe. Mais son parcours personnel fait qu'elle ne peut pas y être bien. Elle m'avait déjà été signalée à la rentrée. Pedigree assez accablant, histoire de merde, père absent, entre autres. Et cette gosse, je ne sais pas comment la prendre. Gentille, mais elle a besoin de se faire remarquer, tout le temps, souvent de manière maladroite et stupide, mais parfois aussi dans le bon sens. A une remarque que je lui avais faite sur un exposé qu'elle n'avait pas fait, par exemple, elle m'avait littéralement envoyé chier. Je l'avais virée avec une heure de colle, elle s'était excusée, on en était resté là. 
Et depuis, je suis toujours sur son dos, à la surveiller, à la reprendre, à l'encourager ou à la remettre à sa place, avec certainement plus de fermeté qu'avec les autres. Or, hier, lors du devoir évaluatif de la séquence, elle n'a fait que quelques lignes avant de laisser tomber ("je c'est pas", "j'y arrive pas"...), ce qui lui a valu un 2/20, mais surtout elle m'a laissé, au dos de sa copie, une petite lettre dans laquelle elle s'excuse de ne pas avoir un comportement convenable ("je sé que vous ne vené pas pour voir des élèves perturber"...) et explique maladroitement que dans sa vie, c'est la grosse merde.
On a beau dire, ça touche, et je m'aperçois que ce mot n'a pas été adressé à moi par hasard. Sans le vouloir, j'ai dû installer un truc bizarre chez elle, genre un substitut paternel ou quelque chose comme ça. Il va falloir à la fois le clarifier et encourager davantage cette petite. 
C'est pas évident, ce taf. 

2 octobre 2009

Le club des dys'

La plupart d'entre nous a été bercé par le club des cinq: François, Michel, Annie et Claudine, sans oublier le fidèle chien Dago, qui transportaient leur mièvrerie tout le long de la résolution des enquêtes !
Maintenant, c'est dépassé: aux chiottes Enid Blyton. Ce qui fait fureur désormais, c'est le club des dys', poétique et politiquement correcte troncation par apocope qui désigne, dans le jargon enseignant, les dys-n'importe quoi: dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques et autres. Mon premier contact avec ce genre d'élève remonte à plus d'un an, lorsque je fis le compte-rendu, à leur prof légitime, d'un devoir proposé à des cinquièmes lors d'un remplacement:
"- Ah, par contre, Kévin il s'est vautré grave: 3
- Mince, je t'avais pas dit, il est dyslexique, il n'aurait dû faire que la moitié du devoir !"
Et comme il avait écrit correctement la date, sa prof lui a mis 13. Et j'exagère à peine. C'est ainsi que je fis la connaissance de cette mode, qui commence franchement à m'empoisonner.

L'an dernier, pas trop. Mes secondes étaient trop bravasses pour se soucier de ce genre de soucis, et comme personne n'en a jamais parlé, il n'y a pas eu de problème. En revanche, dans mon nouveau collège réside un paradoxe entre le niveau catastrophique des élèves et la fréquence de ces fameux dyslexiques, comme si le manque d'éducation entraînait de manière quasi-systématique l'apparition de ces sympômes si fâcheux. Zola n'est pas si loin, finalement !
Du coup, dans cet établissement qui se veut être un fer de lance dans la lutte contre la dyslexie, un gosse qui n'est pas foutu de recopier un texte correctement ou d'écrire plus de trois phrases dans l'heure n'est plus un branleur qui aurait besoin d'un coup de pied au cul, méthode d'arriéré que je pratique assidûment depuis la rentrée avec, je dois l'avouer, un certain succès, mais un dys-le-xi-que, qui a besoin d'une attention supplémentaire, qu'on lui tape les cours pour qu'il n'ait pas à les écrire ("car tu comprends, ces gamins ils ne peûveû pas écrire, c'est une détresse pour eux !") et qu'on tolère ses débordements d'émotivité dus à leur peur panique de ne pas y arriver.

Bon. Je n'en ai pas eu l'occasion, mais si je le pouvais j'irais demander à mon vieux professeur de grammaire ce qu'il en pense. Quelque chose me dit que nous serions d'accord sur pas mal de points. Je ne me souviens pas d'avoir entendu parler de cette nouvelle maladie il y a seulement une dizaine d'années. Je dois être bête. Mais ce qui est sûr c'est que cette maladie est quand même bien pratique: elle permet de justifier de manière fort commode, voire même assez glorieuse ("le problème de mon fils c'est qu'il pense tellement vite qu'il n'a pas le temps de noter les choses au fur et à mesure, son intelligence n'est pas adaptée à un système d'écriture traditionnel", (véridique, d'une maman prof en lycée, de surcroît)) une certaine paresse, elle décharge les parents de la flemme de leur enfant... Et moi qui fais TOUS mes cours à la main excepté les devoirs, je me retrouve à devoir les taper en faisant des textes à trous pour que le petit branl...dyslexique puisse remplir au fur et à mesure. Pratique: il n'a que quelques mots à écrire ! Et l'un d'entre eux a quand même réussi, lors du dernier devoir, à écrire deux verbes (soit quatre mots) en une heure.
Je suis pas sûr qu'on leur rende service, à ces gamins. Mon esprit rétrograde a déjà du mal à s'y faire. 

30 septembre 2009

Fabio le malfrat

Fabio, je l'aime bien. C'est pas une flèche, il est un peu retors sur les bords, mais je l'aime bien malgré tout, à cause du bon sourire benêt qu'il affiche tous les jours que Dieu fait, et quels que soient les remarques qu'on lui fasse. Il est content Fabio, pour lui tout roule, du moment que les copains sont là, qu'il peut parler, rigoler, faire des coups foireux... Un bon p'tit gars, qui ne sera probablement pas major de l'ENS, mais un bon gamin. Sans être plus indulgent avec lui, c'est mon préféré.
Mais lundi, Fabio, à force de tchatcher avec son pote, j'en ai eu marre et il s'est pris cent lignes. Il a eu l'air indigné quelques secondes, mais le sourire réapparut sur sa tête de benêt. "Bien m'sieur."

Dont acte. Bravement, Fabio m'a apporté tout à l'heure sa feuille double. Il a rempli sa part de contrat, l'histoire est close, le cours a commencé et la sanction a même porté ses fruits: abîmé derrière ses lunettes trop grandes, notre adolescent semblait fasciné par la nouvelle de Buzzati que son merveilleux enseignant avait soumis à sa juvénile sagacité. 
Lequel enseignant, en dictant un point important de son cours, posa distraitement les yeux sur la copie double de Fabio. "Y a un truc", que je me suis dit sans vraiment savoir d'où me venait cette intuition, qui me fut rapidement confirmée: dans un excès de zèle, Fabio avait numéroté ses lignes: 10, 20... Mais à y regarder de plus près, je me suis aperçu que notre jeune homme avait indiqué ses précieux repères non toutes les dix lignes, mais toutes les huit lignes... Et s'était donc épargné un cinquième de son travail ! En levant un sourcil terrible qui eût fait frissonner Himmler mais dont le seul mérite résidait dans l'antinomie avec mon éclat de rire intérieur, je dis "Fabio, tu viendras me voir à la fin de l'heure". Sourire béat, surpris.
Ben voyons.
Le reste est dialogue:
"- Bon, fabio, tu peux me le dire: tu m'as pris pour un imbécile.
- Mais de quoi vous parlez M'sieur ?
- Fabio, tu t'es dit que comme j'étais prof de français, je n'aurais pas compté le nombre de lignes, c'est ça ? (NDLR: réflexion judicieuse, d'ailleurs, je me serais fait avoir si l'un de ses camarades ne m'avait pas rendu cent lignes deux jours avant)
- ... Ah, j'ai dû me tromper, excusez-moi M'sieur" 

J'avoue: il m'a intérieurement fait mourir de rire, je n'ai pas eu le coeur de lui redonner cent lignes comme j'aurais dû le faire, je l'ai juste sommé de terminer sa punition, en laissant un petit mot à l'attention de ses chers parents: "Fabio a oublié de terminer le travail en comptant plus de lignes qu'il n'en avait effectivement faites. Une erreur d'inattention, sans doute..."

29 septembre 2009

Des moments de grâce

"Faut-il privilégier une idée creuse exprimée dans un français parfait, ou une réflexion pertinente maladroitement présentée ? Faut-il préférer la présentation à la pensée ? Le paraître à l’être ? Sans trancher de manière trop abrupte ces questions certainement trop manichéennes, le positionnement de l’enseignant se définit par rapport à ses convictions personnelles. Pour ma part, au-delà des objets d’étude et des programmes qui viennent structurer, de manière parfois quelque peu artificielle, l’architecture de mon cours, au-delà de l’enseignement normal et nécessaire des règles de grammaire ou de conjugaison, le rôle de l’enseignant est de susciter de la réflexion. C’est en remettant en question les connaissances, les valeurs, les préjugés… de nos élèves qu’on les éduque – qu’on les élève – vers leur place de citoyen et d’adulte responsable. Cela est à nuancer : il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit, surtout pas une pensée, mais de remettre en question les représentations, les opinions, les préjugés de ces adolescents, afin d’affermir, de préciser, de structurer la leur.

En repensant à mon cursus personnel, il me souvient que les cours qui m’ont le plus apportés n’étaient pas nécessairement les plus « traditionnels », mais ceux dont la matière me permettait de créer un lien entre les choses. C’est en liant les pensées, les influences, les disciplines que l’enseignement génère du sens et de la réflexion, recrée le « lien nécessaire et naturel » dont parle Pascal dans la citation placée en exergue de ce travail, cela est par ailleurs d’autant plus indispensable dans une société comme la nôtre, dans laquelle, pour des raisons assez mystérieuses, les domaines de la pensée sont divisés de manière quasi-obsessionnelle, comme si le dialogue faisait peur, comme si les disciplines présentaient un intérêt propre autre que dans le rapport qu’elles entretiennent entre elles."

C'est beau hein ? Cette page est extraite du mémoire que j'avais composé et soutenu en Juin dernier pour clôturer mon année de formation de prof. Il est consacré à l'intérêt de la lecture chez les élèves. J'avoue l'avoir rangé, pensant ne plus l'ouvrir, jusqu'à ce que la réflexion d'une élève, hier, m'y fasse repenser. En effet, j'ai pris pour habitude d'introduire mes cours avec des extraits de bouquins dont je raconte brièvement l'histoire. Tel un marchand de tapis, je leur propose innocemment à la fin de leur prêter le livre. Et ainsi cette jeune fille m'a demandé de lui prêter l'Assommoir. Ce que je fis, sans me faire trop d'espoir. Et pourtant, en lui demandant hier si elle avait commencé, cette élève que j'appellerai Karine m'a avoué y avoir passé son week-end et en être à la moitié ! Elle m'a même posé des questions sur l'emploi du "on" dans l'écriture de Zola ! 

Il y a des instants de grâce quand même.

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