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4 juillet 2011

The Reader, de Bernard Schlink

the_reader01

Je n'aime pas le cinéma, je déteste le cinéma. C'est un "art" qui pour moi n'a aucun intérêt. 
Signaler cela alors que je m'apprête à dédier un billet pour un film qui m'a remué les tripes peut être considéré comme un double hommage. Sans trop y croire, avec la tête comme une pastèque, remué par une journée longue comme un jour sans pain et sans silence, j'ai mis dans le truc qui rappelle vaguement un lecteur DVD de fortune (oui, je dois le sortir du meuble, le brancher, le connecter, il n'a pas de télécommande, il ne lit pas Divx, et il t'emmerde) le film que m'avait prêté une élève quelques jours auparavant: Le Liseur, film tiré du bouquin de Bernard Schlink
Soyons honnête: j'avais surtout envie de voir le film pour me délecter de la magnificence de Kate Winslet (oui, là aussi, et encore ), qui est pour moi la créature la plus sexy du monde, sisi, et le sujet du film ne m'intéressait pas tellement. En plus de me voir confirmé le talent de Kate, je suis plongé dans cette oeuvre magnifique, et Dieu sait qu'il m'en coûte de parler d'oeuvre en évoquant un film...

Comme pour toutes les grandes oeuvres sujet est relativement simple: un gamin de quinze ans rencontre, peu après la guerre, une femme plus âgée avec laquelle il a une liaison. Au fur et à mesure que le relation devient plus sérieuse, Hanna demande quotidiennement à Michaël de lui faire la lecture des classiques qu'il étudie à l'école: "d'abord tu lis, ensuite on fait l'amour". Une oeuvre, en particulier, revient très souvent: l'Odyssée. Un jour, le jour de l'anniversaire de Michaël, Hanna disparaît et laisse son appartement vide, laissant le jeune homme meurtri. Quelques années plus tard, le "kid" devenu étudiant en droit assiste à un procès à Berlin contre des criminelles nazies, accusées d'avoir laissé des femmes juives brûler dans l'incendie d'une église (anecdote qui n'est pas sans rappeler un passage des Bienveillantes évoqué dans un précédent billet, peut-être Littel s'en est-il inspiré ?). Tous bascule quand il reconnaît Hanna, laquelle est condamnée à perpétuité sans avoir avoué qu'elle ne pouvait être l'auteure du rapport accablant contre les geolières dans la mesure où elle ne savait ni lire ni écrire. Michaël retrouvera les oeuvres qu'il lisait à son ancienne maîtresse et les enregistrera sur cassette pour les lui envoyer dans sa prison, ce qui permet à l'ancienne criminelle d'apprendre à lire et à écrire. Vingt ans plus tard, Hanna est libérée, Michaël vient la voir la veille de sa libération et s'aperçoit à quel point la vie a changé leurs deux destins. S'apercevant de cette fracture, Hanna se pend dans sa cellule, après être grimpé sur ses livres rangé soigneusement sur une table. Le film se termine sur la tombe de l'éternelle bien aimée, devant laquelle Michaël s'apprête à raconter à sa fille cette histoire qui a transformé sa vie. Oui, maintenant vous connaissez la fin. Tant pis.

Loin d'être un film sur l'amour éternel plus fort que la mort et autres culculteries (désolé) ou une polémique de plus sur les atrocités nazies que c'est pas bien et bou que c'est méchant, cette oeuvre est un hommage à la littérature. La littérature primitive: celle qui se transmet par la voix, matériau malléable et réagençable à souhait. L'espace des personnages est celui de leur voix. Ils ne parlent pas, ou très peu et toujours pour des banalités loin des sentiments exprimés mais la beauté de leur parole est une beauté empruntée aux textes littéraires, de tout poil. De Tintin jusqu'à Lessing, d'Horce à Tchékhov, Hanna reste insaisissable dans la mesure où elle n'existe que par l'espace littéraire. Ce n'est pas pour rien que Schlinck en a fait une personne analphabète, analphabète et enfermée: enfermée dans son métro (quand Michaël la rencontre, elle est poinçonneuse dans un métro berlinois), dans son appartement, dans sa baignoire, dans sa cellule... la confrontation avec le monde extérieur la révèle fragile et finalement, si ce n'est sa sensualité maternante, assez quelconque, voire désagréable. Personnage ordinaire confronté à un destin extraordinaire (à l'instar de Wladyslaw Szpilman, le pianiste dont Polanski a tiré son merveilleux film, magnifique hommage à la musique de Chopin que peu de personnes semblent avoir compris), Hanna est émouvante par ce qu'elle véhicule moins que par ce qu'elle est. A travers elle le spectateur/lecteur/Jules chialant comme une gonzesse (rayer la mention inutile) se livre à une catharsis (ce que conseille une rescapée d'Auschwitz à Michaël, "les camps ne sont pas un théâtre où on évacue ses passions") et retrouve par l'intermédiaire de la voix du liseur le sens de la littérature: une voix coupée du monde et plongeant dans le monde.

 Je lis pas mal, d'ailleurs, je m'y remets: fini les Mémoires d'Hadrien, la Chronique d'une Mort annoncée, Manon Lescaut (en cours, surprenant, très surprenant, à commenter), A l'ombre des jeunes filles en fleur, à emprunter: Le lecteur (ben oui, autant lire le bouquin quand même) et La Culpabilité allemande, de Jaspers.
Les vacances ! 

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Commentaires
J
Voilà qui n'est pas tombé dans les yeux d'un sourd !<br /> Merci du conseil !
C
"me délecter de la magnificence de Kate Winslet" <br /> Dans ce cas, va voir "Carnage" de Polanski, Kate n'a jamais été aussi belle !
L
J'aime ton analyse. J'ai adoré le film (vu au cinéma)et le livre aussi(lu après avoir vu le film). <br /> Je vais relire le Pianiste.
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