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27 août 2010

Virginia Woolf, Mrs Dalloway

mrs_dallowayCa y est, je l'ai terminé ce matin.
C'est presque avec un soupir de soulagement que j'ai lu la dernière phrase du livre, incise à la fois éloquente et amusante quand on a à peu près compris l'idée générale de l'oeuvre. ("Et justement, elle était là").
Un roman à connaître, un classique, comme on dit, extrêmement représentatif du début du XXème siècle. Mrs Dalloway raconte la vie de plusieurs personnages sur une période d'une journée de Juin. L'idée, c'est que nous entrons successivement dans la conscience des différents personnages composant cette journée quelque peu banale de la bourgeoisie huppée londonienne. Et force est d'avouer que du point de vue technique, l'auteure a réalisé un véritable tour de force. Et encore, je n'ai pas eu le courage de m'atteler à l'oeuvre en VO, dont la lecture aurait largement dépassé mes compétences en langue anglaise.
Mais, et il y a un mais, au bout d'un moment, on a compris, me suis-je dit. Et, n'en déplaise à certains puristes, j'ai sans aucun remords sauté les cinquante dernières pages pour arriver à l'excipit. Force est d'avouer qu'il y a des longueurs. Un peu comme l'impression que le procédé se répète sans fin, comme pour souligner la vacuité de ces existences stériles, à l'image de ce bien ridicule Septimus qui finit par se suicider en se jetant par la fenêtre, exaspéré de l'irruption de ces vulgaires médecins, de sorte que le lecteur attentif (ou l'ancien étudiant de lettres qui n'a pas su se départir de ses anciens réflexes) qui a bien gentiment lu la (longue) préface finit par ressentir une certaine lassitude.
Cela dit, c'en est presque gênant. Un bon livre, selon moi, ne parle de rien, ou plutôt n'a aucun intérêt d'être lu si on se limite à savoir "ce qui s'y passe" (c'est ce que je me tue à répéter aux élèves: "ne dites pas ce que l'auteur raconte, mais ce qu'il cherche à vous dire"), et à la limite, que la contraction des faits y soit telle que l'intrigue en soit complètement perdue de vue (prenons Madame Bovary, La Jalousie, par exemple, ou La Modification), ou qu'au contraire à force d'être entraîné dans les cavalcades des personnages et des enjeux politiques, le lecteur finisse par se perdre (comment ne pas penser aux délicieuses invraisemblances de la Chartreuse de Parme, qui décrit bien davantage la Stendhalie que l'Italie !), cela n'a aucune importance du moment que l'oeuvre tienne quasiment d'elle-même par "la force interne de son style ", que la qualité d'écriture soit telle qu'elle finit par subsumer l'intégralité de ce qui y est raconté. C'est du moins ma position, et je la partage.
A cet égard, Mrs Dalloway pourrait fournir à cette vision de la littérature un exemple parfait d'oeuvre aboutie. Mais, et cela tient peut-être à ma paresse de lecteur qui n'a pas eu le courage de lire le roman en anglais, même s'il y a de très beaux passages (mon précédent billet, par exemple, en est un magnifique exemple, il atteint presque la force d'une page de Joyce), on finit par voir un peu les coutures. Même si tous les "personnages" sont saisis dans une essence, il y a quand même un procédé commun, une recette commune qui fait que vous ou moi pourrions rapidement écrire du Mrs Dalloway au kilomètre. Tout se passe d'ailleurs comme si la "narratrice" (si tant est que ce mot ait encore un sens, dans un tel roman) qui se trouve être justement Clarissa Dalloway à ce moment là de la narration, avait conscience d'une certaine mortalité, vacuité de cette écriture qui ne cesse d'ailleurs d'être remise en question, en filigrane  ("Oh, pensa Clarissa, au milieu de ma soirée,  la mort qui fait irruption, pensa t-elle. (...) La mort était un défi. La mort était un effort pour communiquer. Les gens sentaient l'impossibilité d'atteindre ce centre qui, mystérieusement, leur échappait; la proximité devenait séparation; l'extase passait, on était seul. Il y avait dans la mort une étreinte" ). Comme tous les bons vieux classiques, il y a une mono-tonie, au sens musical du terme, qui rend certes ce roman indispensable, intéressant, révolutionnaire même et digne d'être étudié en fac de lettres ou d'études anglophones, mais qui empêche d'en faire un bon roman, un roman dont on éprouvera le besoin d'ouvrir une page au hasard tout en sachant que les mots que l'on va y lire sonneront presque comme les intonations de voix d'un ami perdu de vue depuis longtemps mais que l'on prend plaisir à retrouver. Cela est le cas avec la Chartreuse, avec Madame Bovary, le Misanthrope ou Un balcon en forêt, mais pas avec Mrs Dalloway, qui reste figé dans son statutà double tranchant d'oeuvre classique.

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