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20 décembre 2012

Billets, s'il vous plaît

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« Mesdames et messieurs bonjour, contrôle des titres de transport s'il vous plaît »

Allez, juste un aller-retour à faire aujourd'hui, j'aurai fini cette semaine pourrie. Ca va être énorme ce soir, l'anniversaire à Ben. J'espère qu'ils seront tous là, qu'on rigolera, qu'on boira, qu'il y aura des filles cette fois-ci, la dernière fois c'était merdique à cause de ça. Pour une, on était six dessus, ça craint. « Merci Monsieur, une pièce d'identité, s'il vous plaît...Merci beaucoup ». Pas beaucoup de monde ce matin, d'habitude avec les vacances qui approchent les gens ils partent. Tant mieux. « Votre titre de transport ? Oui, merci madame, bonne journée ». C'est bien qu'on puisse partir avec l'équipe pour le Nouvel-an, ça va être terrible, Barcelone pour nous tous seuls, là-bas il y en aura des gonzesses. Ca me fera oublier la dernière fois, avec l'autre et ses trucs chiants. Ce qu'il faut pas faire pour avoir la paix deux minutes. « Merci Monsieur, bonne journée. Oui, les toilettes c'est au wagon 11. Je vous en prie Monsieur. » Sûr que c'est pas Tony qui me fera visiter une cathédrale de merde même pas finie, en plus. C'est plutôt les bars, que je finirai pas de me faire, si je trouve pas une fille entre-temps. Les petits français, ça doit bien marcher, et le côté jeune beau gosse branché, ça ira à tous les coups. « Oui madame, vous pouvez brancher votre ordinateur, les prises sont là, prévues à cet effet ». Ben oui sale conne, réfléchis un peu. Maman était déçue quand je lui ai annoncé que je ne serai pas là. Tant pis, faut que je pense un peu à moi aussi, j'y suis bien allé il y a deux semaines, je passe mes journées dans le TGV, il faut bien que je décompresse. J'ai changé il paraît, depuis deux ans environ, je vois pas trop pourquoi elle dit ça. Ca lui va pas bien, de vieillir. Heureusement, je me sens bien maintenant, j'ai mon Iphone, la caisse qui va bien, les potes autour, les fiestas, les filles, mon équipe, quoi de plus ? Au moins je suis libre. « Pardon ? Oui monsieur, c'est bien par là ». Quoi ? Ah ouais, en effet, il a raison, j'avais pas vu la belle blonde assise là, tranquille avec son portable. Bien vu Antho, bravo. Je vais tenter. « Bonjour demoiselle, vos billets s'il vous plaît ? » Quelle paire ! « Et où allez-vous, comme ça ? Oui, évidemment, à Marseille, c'est écrit là » T'as pas compris que je veux te parler ou quoi ? « Ah en plus d'être jolie vous êtes jeune, je peux voir votre carte douze-vingt-cinq, euh, Aline ? » Bon, elle mord pas, et je sais plus quoi dire. Encore une coincée. « Merci mademoiselle, bonne journée...et n'hésitez pas à m'appeler pour le bon déroulement de votre séjour. Moi c'est Jérôme... ». On sait jamais, le sourire, les formules qui claquent et l'uniforme elles aiment ça. Encore une coincée, je les attire ou quoi ? Je comprends pas ces dindes qui décident de ne pas profiter de la vie. Carpe diem, quoi, elle l'aura pas éternellement son petit cul, et je l'entretiendrais bien volontiers. Et l'autre qui se fout de moi, encore un râteau. « Bonjour, vos billets je vous prie. Merci ». Ca m'énerve, ce genre de réaction, elle ne se doute même pas de ce que je pourrais lui donner et elle veut rien savoir. Les filles sont connes maintenant, incapables de voir l'essentiel. On est dans un monde qui bouge, et il faut bouger avec sinon on est mort. Les morts ils bougent pas comme dit le coach. Moi oui alors que elle elle reste dans son fauteuil à écouter sa musique en regardant la fenêtre comme une vache. « Oui, vos billets, merci Monsieur ». Je suis sûr qu'il a tout compris lui aussi, avec son sourire, je devrais lui mettre ma main sur la gueule. Il me tarde de retrouver la caisse ce soir, de me changer et d'aller à cette soirée. On s'en mettra une belle, s'il faut, avec les autres. Je sais même pas ce qui est prévu, au fait, faudra que j'appelle Ben tout à l'heure. Y a pas à dire, les potes y a que ça de vrai, y a rien d'autre sur qui compter. Maman elle perd la boule, Franck je le vois plus, depuis qu'il a eu sa gosse, les filles ça va ça vient, mais hors de question de compter sur elles. Il ne faut pas vivre seul, surtout, et ma bande je l'ai trouvée. « Pardon ? Oui, bien sûr mais le billet de votre chat madame. » Heureusement, on va pas le transporter gratos son chaton, non plus. « Ah, mais tous les animaux doivent avoir un titre de transport. Cela vous coûtera 92 euros madame. » Ces gens qui se croient plus malins que les autres, ça m'énerve. « Oui, je comprends votre colère madame, mais la règle est la même pour tout le monde. Tenez, présentez-vous en gare avec votre avis de contravention, vous pouvez également régler sur Internet par carte bancaire. » Ca m'étonnerait que tu saches ce qu'est un ordinateur, toi. « Bonne journée quand même madame. » J'aime bien faire ça, être gentil avec les gens que je viens d'aligner. Ils se gênent pas pour le faire, les flics. Au moindre petit truc ils te défoncent et ils te souhaitent bonne journée. L'autre jour pour un portable ils m'ont aligné. J'allais au foot, je prévenais juste que j'étais en retard, bim. Il voulait faire son quota le mec, y a rien d'autre. J'ai bien essayé de lui dire que j'avais passé le concours de la gendarmerie, ça a pas marché.

Enfin ça y est, j'ai presque fini ce wagon, c'était le dernier. La routine, maintenant, un café à droite à gauche, me balader pour vérifier que tout va bien, faire genre, et on arrivera à Marseille. Elle a pas bougé la gonzesse au portable. Ba, tant pis pour elle, elle sait pas ce qu'elle perd. Une de perdue, dix de retrouvées. J'en suis à bien plus que ça, depuis que l'autre elle est partie. Je me demande parfois ce qu'elle devient. Sûrement toujours dans sa boutique pourrie à Carrefour. C'est ce que je lui ai dit quand elle est partie. « T'arriveras à rien, de toute façon, tu vas moisir dans ta vie de merde ». J'ai bien fait de lui dire ça, elle avait besoin d'un mec qui en ait et qui lui dise ses quatre vérités. C'est bizarre, ça a même pas eu l'air de la clasher, elle a pris silencieusement ses affaires et elle est partie. Je me demande qui me l'a piquée, elle le cache bien, même en espionnant je n'ai vu personne. Il a pas eu le courage de se montrer, peur que je défonce celui qui m'a pris ma gonzesse. Au moins comme ça j'ai retrouvé mes potes et je peux passer le temps que je veux au club ou à bricoler la bagnole. A tous les coups elle fait toujours les mêmes trucs, ses livres à la con, ses copines coincées du cul... Elle aurait été avantagée avec moi, avec nos deux salaires on aurait pu s'installer dans une maison à nous, en ville avec un garage et même une grande étagère pour ses livres. On aurait eu la belle vie, si on arrivait à bien calculer. Mais bon, tant pis pour elle, et merci de t'être barrée, après tout, j'en ai eu plein d'autres, des nanas, des meilleurs coups qu'elle, et qui m'empêchent pas de m'éclater avec mes potes.

« Merci de votre attention, Messieurs dames, nous vous souhaitons une bonne journée. »

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19 décembre 2012

Notre dame des fleurs

fleuriste_gdElle est bien loin, cette affaire que je rêvais d'ouvrir seule. Sur une place de village inondée de soleil, au gargouillis incessant de la fontaine ponctué par les visites des livreurs, facteurs, habitués... La vie aurait été belle, entourée de fleurs et d'amis, pas loin de ma petite maison avec jardinet. Ce n'était pas trop demander pourtant. Loin de cette galerie horrible, avec ces gens horribles, ces odeurs horribles. Je les déteste, je crois, la boule au ventre que je traîne depuis quelques mois vient peut-être de là. Je n'étais pas faite pour cette vie, pas dans ces conditions-là. Ici, je survis, avec cette patronne qui n'arrête pas de m'aboyer dessus pour vendre, encore, toujours plus de « came », comme elle dit avec son accent et sa permanente vulgaires. Elle ne distinguerait même pas un lys d'une tulipe, j'en suis certaine. Faudra que j'essaye, un de ces jours, tiens.

Qu'est-ce qui a déconné ? A quel moment ma vie a commencé à devenir une série de concessions, d'attentes pour plus tard, de petits arrangements avec moi-même ? Serait-ce Jérôme, qui souhaitait que je travaille rapidement pour qu'on s'installe ? Ma mère qui souhaitait vite me voir indépendante ? Moi qui souhaitais voler de mes propres ailes ? Un peu tout ça, certainement, ça ne sert à rien de rejeter sur les autres ce dont je suis responsable. En attendant, je suis mal payé à faire de mauvaises compositions à des gens pressés qui offrent des fleurs pour se faire pardonner. Ils n'écoutent même pas les conseils que je leur donne pour les faire durer, la seule chose importante étant de se montrer un bouquet à la main pour mieux tirer leur coup après. « Choisissez-les, ce n'est pas ça l'important », m'a même dit ce client pressé tout à l'heure. Est-ce pour cela que j'ai quitté l'école pour faire un apprentissage ? J'aurais aimé être une Vestale et me voilà Flora, qui permets les fragiles réconciliations. Peu de choses je souhaitais, pourtant, pouvoir m'épanouir au milieu de ces vies végétales, les accompagner dans l'éclosion de leur beauté, les nourrir, leur permettre de rayonner, apporter de la joie. Mon sourire aurait éclairé ces plantes si fragiles, et au lieu de ça mon sourire n'est qu'une façade commerciale.

Bien sûr que Clémence a raison, cette situation je l'ai choisie, et rien ne m'empêche de choisir le changement. J'ai bien su annoncer à Jérôme il y a deux ans -- déjà -- que je partais, ce n'est pas le fait de démissionner qui me fait peur. C'est ce qui arrivera après, une fois que tout sera terminé. Il me faudra recommencer, trouver les fonds, les locaux, une banque assez solide pour financer tout ça, des fournisseurs, du matériel, une camionnette... Les inévitables petits travaux, les nuits blanches à monter les stands, la paperasse... puis les impôts qui viendront m'étrangler, la comptabilité quotidienne, les pertes, les week-ends sacrifiés, les vols... Je le sais, tout ça, je l'ai vu à l'école, mais seule ça me fait peur, je ne m'en sens pas capable. Pas encore, du moins, cela viendra peut-être comme on dit, ou ça ne viendra pas, et je deviendrai comme ces caissières aigries de ne pas avoir vécu ce qu'elles avaient à vivre, restées stériles malgré leurs régulières portées de mômes aussi égoïstes qu'elles. Je serai une madame Bovary : à vivre dans mes livres je n'aurai pas vécu. Mélanie Bovary, qui se suicide à petit feu à force de subir cette musique assommante censée entraîner les gens mais qui ne fait que les endormir, les faisant rentrer dans le rang, dans le rythme. La bêtise aussi me tuera, ces gueguerres de pouvoir, de domination, de combats de dents blanches. Albert a raison. Les hommes ne montrent pas leur sourire, ils montrent leur dents, ils mordent virtuellement, rêvant de trancher la jugulaire de leur proie avant de piétiner leur cadavre ou de violer dans une mare de sang la victime étendue, soumise. Ils tirent leur crampe et m'abandonnent, éventrée, blessée à vif, ouverte et recroquevillée à la fois. Faut-il se battre, faut-il malgré tout trouver un compromis ?

Je ne sais. Pour le moment qui dure je me contente de choses simples, très simples. Mes lectures, qui à chaque fois me lavent de la souillure humaine, les fleurs qu'on me confie auxquelles j'essaie de donner les conditions de vie les plus satisfaisantes possible, les cafés avec Clémence dès qu'elle a une heure de pause commune avec moi, les visites des amis, des parents le week-end... Je les sens tristes. Ils n'osent pas encore me poser la question, mais ils souffrent de ma solitude. Bien entendu, leur gêne réside dans une sensation d'échec. Faire de moi une fille aussi marginale ! c'est leur fierté qui s'exprime et pas l'empathie. Je ne suis pas malheureuse, non, mais je ne suis pas heureuse non plus. Je regarde passer ma vie au lieu de la vivre, comme ces fleurs coupées qui assistent aux embrassades maladroites. Je fane, je me flétris, et je mourrai.

18 décembre 2012

Complainte du bibliothécaire

fond1Je suis de ceux dont on oublie rapidement le visage, retranché que je suis à la fois derrière cet austère bureau métallique sans goût et l'ordinateur qui me donne une contenance. Pourtant, du haut de mon modeste siège réglementaire, j'ai derrière moi des siècles de littérature, devant moi quelques minces décennies me séparant de l'oubli. Je les connais, ces livres. Chaque jour je les trie, les numérote, les classe. Respectueusement posés dans leur chariot, ils rejoignent quotidiennement leur place après que j'ai validé leur retour. Ces ouvrages partagent durant quelques semaines votre quotidien. Sachant qu'ils sont anonymes vous les investissez, les considérant comme vôtre. Ils partagent vos trajets en train, votre bain, parfois votre lit. Dieu et moi savons qu'ils ont été témoins de vos ébats et de vos cris de jouissance. Vous les cornez, les tâchez de café, y oubliez une liste de courses, un ticket de métro, une ordonnance qui servent de marque-page passager. Et moi à leur retour je ressuscite leur virginité. Et mes livres sont de nouveau disponibles pour investir une nouvelle pièce de vie. Certains d'entre eux, hélas, sont là depuis longtemps, trop longtemps. Ils flétrissent et se morfondent en attendant que vous leur donniez sens. Là ils ne sont rien, ou si peu, de plus qu'un savant ordonnancement de taches d'encre sur des épaisseurs de papier. Ceux-là me font mal mais je me force à ne pas les oublier. Je les mets en avant sur le présentoir, comme un proxénète répartit ses filles sur les trottoirs fréquentés.

D'autres ont à peine le temps d'être reposés qu'ils repartent déjà vers un autre Ce sont souvent les mêmes, les meilleurs rarement. Ils permettent d'assez bien jauger la qualité de mes lecteurs, lesquels recherchent davantage une fleur de lotus « qui fait perdre la mémoire » qu'une faille dans le granit de leurs certitudes. Du rôle de proxénète me voici investi dans celui de Lotophage fournissant la fleur qui fait perdre la mémoire en les projetant dans la vie facile d'un autre. Cela me chagrine, qui crois à une littérature fondamentalement déracinante. On se conforte dans un livre, on oublie, on est bercé. Mais on ne pense pas. Surtout ne pas penser.

Là, réfugié dans mon temple au milieu d'une troupe de profanes vulgaires qui fonctionnent, je suis le dernier à vouer ma vie à la littérature. Celle dont la plume éventre, émeut, remet en question notre existence. Ma vie passe doucement, elle est ponctuée d'événements tantôt tristes comme cette lectrice récemment décédée qui nous a légué toute sa bibliothèque ou cet adolescent ancien gosse passant ses après-midis à lire, qui ne me regarde plus désormais, l'oeil torve rivé à l'écran de l'ordinateur mis à la disposition des inscrits pour gonfler le nombre d'adhérents ; parfois agréables comme l'ondoyante chevelure de Mélanie qui vient régulièrement chercher de nouvelles lectures. Son sourire éclaire mes journées mais je la sens malheureuse dans le fond. Il n'y a que les gens pessimistes qui aiment profondément la littérature, et elle l'aime, vraiment, sans condition. Ses points de vue sont toujours pertinents, sans un mot de trop. J'aimerais la revoir, je dois lui dire. Lui dire silencieusement à quel point je la trouve belle. Mais je n'ose pas, pour le moment, je reste à ses yeux l'anonyme fonctionnaire qui range les livres, nous n'appartenons pas au même monde. Elle est de celui qui vit, qui grouille, branloire pérenne insaisissable, tandis que je suis le gardien d'une mémoire morte, le médecin des voix graves qui se sont tues. Bientôt je partirai, très vite. Vingt-cinq ans, trente ans, le temps d'un éclair, celui de laisser derrière moi quelques heures de joie et peut-être une belle famille. Peut-être Mélanie deviendra celle qui m'accompagnera, qui sait ? Mais cette mémoire que j'entretiens quotidiennement ne s'éteindra jamais. Fluctuant, éternellement muet mais hurlant sa colère, teintée de cette écoeurante odeur de mauvaise moquette, mon silencieux royaume trouvera peut-être un nouveau dépositaire digne de confiance qui saura le faire vivre avec le même amour.

17 décembre 2012

Les aires d'autoroute

et tous ces endroits de passage. Quais de métro, aires d'autoroute, places de train, sièges de taxi, d'avion et autres. Autant d'endroits qui sont à la fois vacants et pleins, lisses et poreux à la fois. On les découvre vierges et porteurs de l'odeur, de la présence discrète de ceux qui les ont déjà occupés, et on les investit le temps d'un voyage, d'un café, d'une discussion tantôt plein de méfiance superficielle, tantôt anonyme et profonde, justement profonde grâce à l'anonymat qu'elle garantit. On dit facilement tout à un interlocuteur qu'on ne reverra jamais, dont le regard et le jugement n'ont pas de mémoire. Tout est là dans ces endroits pour garantir le confort de tout le monde, chacun modèle son espace de manière à l'adapter à ses propres habitudes. Le mauvais bouquin calé contre le porte-gobelet, l'ordinateur sur le socle avec le film qui ronronne, le roulage en boule pour s'endormir confortablement, confiant ses pensées au paysage qui défile tout en s'offrant en spectacle au quidam qui regarde passer les trains, spectacteur de la banalité. Abandon moite, tiède attachement. 
Justement, regardons-nous. Toutes nos façades civilisées se délitent au fur et à mesure que l'impersonnel nous envahit. Les cravates se desserrent, nos chaussures sont discrètement déchaussées, les coups d'oeil  baladeurs sur la poitrine de la voisine sont moins timides... notre nature animale reprend doucement le dessus au fur et à mesure que le voyage se déploie. Le sommeil, parfois, nous gagne, et nous offrons dans tout son abandon notre corps désarmé au regard d'autrui. C'est terrifiant.

Tandis qu'à l'arrivée, le ressort se bande à nouveau. Nous nous apprêtons à être réinséré dans le circuit de nos vies parallèles. Un tel va prendre la ligne 14 pour rejoindre Bastille, l'amoureux de la jolie brune sera là pour accueillir sa belle sur le quai, la vieille dame de devant appelle son mari pour savoir "si le taxi est bien à l'heure"... Et moi, comme les autres, redeviens humain, civilisé. Je reprends mes affaires, remets mes chaussures, cesse de parler, guette le quai par lequel on va descendre pour aller plus vite, fulminant contre la sale vieille de devant qui n'en finit pas de réunir tous ses sacs. Heureusement que Facebook me console de tout cet anonymat. Mon errance va redevenir polarisée puisque je sais maintenant où aller et vers quel but porteront mes pas. Les personnes qui m'entendront seront à nouveau identifiées, me permettant de bien vite oublier ces inconnus auprès desquels j'ai pu me laisser aller à une confidence malheureuse. Fort heureusement, ils ne pourront pas me nuire, le cas échéant je nierai de leur avoir parlé. Communiquer, oui, mais pas avec n'importe qui.

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