Billets, s'il vous plaît
« Mesdames et messieurs bonjour, contrôle des titres de transport s'il vous plaît »
Allez, juste un aller-retour à faire aujourd'hui, j'aurai fini cette semaine pourrie. Ca va être énorme ce soir, l'anniversaire à Ben. J'espère qu'ils seront tous là, qu'on rigolera, qu'on boira, qu'il y aura des filles cette fois-ci, la dernière fois c'était merdique à cause de ça. Pour une, on était six dessus, ça craint. « Merci Monsieur, une pièce d'identité, s'il vous plaît...Merci beaucoup ». Pas beaucoup de monde ce matin, d'habitude avec les vacances qui approchent les gens ils partent. Tant mieux. « Votre titre de transport ? Oui, merci madame, bonne journée ». C'est bien qu'on puisse partir avec l'équipe pour le Nouvel-an, ça va être terrible, Barcelone pour nous tous seuls, là-bas il y en aura des gonzesses. Ca me fera oublier la dernière fois, avec l'autre et ses trucs chiants. Ce qu'il faut pas faire pour avoir la paix deux minutes. « Merci Monsieur, bonne journée. Oui, les toilettes c'est au wagon 11. Je vous en prie Monsieur. » Sûr que c'est pas Tony qui me fera visiter une cathédrale de merde même pas finie, en plus. C'est plutôt les bars, que je finirai pas de me faire, si je trouve pas une fille entre-temps. Les petits français, ça doit bien marcher, et le côté jeune beau gosse branché, ça ira à tous les coups. « Oui madame, vous pouvez brancher votre ordinateur, les prises sont là, prévues à cet effet ». Ben oui sale conne, réfléchis un peu. Maman était déçue quand je lui ai annoncé que je ne serai pas là. Tant pis, faut que je pense un peu à moi aussi, j'y suis bien allé il y a deux semaines, je passe mes journées dans le TGV, il faut bien que je décompresse. J'ai changé il paraît, depuis deux ans environ, je vois pas trop pourquoi elle dit ça. Ca lui va pas bien, de vieillir. Heureusement, je me sens bien maintenant, j'ai mon Iphone, la caisse qui va bien, les potes autour, les fiestas, les filles, mon équipe, quoi de plus ? Au moins je suis libre. « Pardon ? Oui monsieur, c'est bien par là ». Quoi ? Ah ouais, en effet, il a raison, j'avais pas vu la belle blonde assise là, tranquille avec son portable. Bien vu Antho, bravo. Je vais tenter. « Bonjour demoiselle, vos billets s'il vous plaît ? » Quelle paire ! « Et où allez-vous, comme ça ? Oui, évidemment, à Marseille, c'est écrit là » T'as pas compris que je veux te parler ou quoi ? « Ah en plus d'être jolie vous êtes jeune, je peux voir votre carte douze-vingt-cinq, euh, Aline ? » Bon, elle mord pas, et je sais plus quoi dire. Encore une coincée. « Merci mademoiselle, bonne journée...et n'hésitez pas à m'appeler pour le bon déroulement de votre séjour. Moi c'est Jérôme... ». On sait jamais, le sourire, les formules qui claquent et l'uniforme elles aiment ça. Encore une coincée, je les attire ou quoi ? Je comprends pas ces dindes qui décident de ne pas profiter de la vie. Carpe diem, quoi, elle l'aura pas éternellement son petit cul, et je l'entretiendrais bien volontiers. Et l'autre qui se fout de moi, encore un râteau. « Bonjour, vos billets je vous prie. Merci ». Ca m'énerve, ce genre de réaction, elle ne se doute même pas de ce que je pourrais lui donner et elle veut rien savoir. Les filles sont connes maintenant, incapables de voir l'essentiel. On est dans un monde qui bouge, et il faut bouger avec sinon on est mort. Les morts ils bougent pas comme dit le coach. Moi oui alors que elle elle reste dans son fauteuil à écouter sa musique en regardant la fenêtre comme une vache. « Oui, vos billets, merci Monsieur ». Je suis sûr qu'il a tout compris lui aussi, avec son sourire, je devrais lui mettre ma main sur la gueule. Il me tarde de retrouver la caisse ce soir, de me changer et d'aller à cette soirée. On s'en mettra une belle, s'il faut, avec les autres. Je sais même pas ce qui est prévu, au fait, faudra que j'appelle Ben tout à l'heure. Y a pas à dire, les potes y a que ça de vrai, y a rien d'autre sur qui compter. Maman elle perd la boule, Franck je le vois plus, depuis qu'il a eu sa gosse, les filles ça va ça vient, mais hors de question de compter sur elles. Il ne faut pas vivre seul, surtout, et ma bande je l'ai trouvée. « Pardon ? Oui, bien sûr mais le billet de votre chat madame. » Heureusement, on va pas le transporter gratos son chaton, non plus. « Ah, mais tous les animaux doivent avoir un titre de transport. Cela vous coûtera 92 euros madame. » Ces gens qui se croient plus malins que les autres, ça m'énerve. « Oui, je comprends votre colère madame, mais la règle est la même pour tout le monde. Tenez, présentez-vous en gare avec votre avis de contravention, vous pouvez également régler sur Internet par carte bancaire. » Ca m'étonnerait que tu saches ce qu'est un ordinateur, toi. « Bonne journée quand même madame. » J'aime bien faire ça, être gentil avec les gens que je viens d'aligner. Ils se gênent pas pour le faire, les flics. Au moindre petit truc ils te défoncent et ils te souhaitent bonne journée. L'autre jour pour un portable ils m'ont aligné. J'allais au foot, je prévenais juste que j'étais en retard, bim. Il voulait faire son quota le mec, y a rien d'autre. J'ai bien essayé de lui dire que j'avais passé le concours de la gendarmerie, ça a pas marché.
Enfin ça y est, j'ai presque fini ce wagon, c'était le dernier. La routine, maintenant, un café à droite à gauche, me balader pour vérifier que tout va bien, faire genre, et on arrivera à Marseille. Elle a pas bougé la gonzesse au portable. Ba, tant pis pour elle, elle sait pas ce qu'elle perd. Une de perdue, dix de retrouvées. J'en suis à bien plus que ça, depuis que l'autre elle est partie. Je me demande parfois ce qu'elle devient. Sûrement toujours dans sa boutique pourrie à Carrefour. C'est ce que je lui ai dit quand elle est partie. « T'arriveras à rien, de toute façon, tu vas moisir dans ta vie de merde ». J'ai bien fait de lui dire ça, elle avait besoin d'un mec qui en ait et qui lui dise ses quatre vérités. C'est bizarre, ça a même pas eu l'air de la clasher, elle a pris silencieusement ses affaires et elle est partie. Je me demande qui me l'a piquée, elle le cache bien, même en espionnant je n'ai vu personne. Il a pas eu le courage de se montrer, peur que je défonce celui qui m'a pris ma gonzesse. Au moins comme ça j'ai retrouvé mes potes et je peux passer le temps que je veux au club ou à bricoler la bagnole. A tous les coups elle fait toujours les mêmes trucs, ses livres à la con, ses copines coincées du cul... Elle aurait été avantagée avec moi, avec nos deux salaires on aurait pu s'installer dans une maison à nous, en ville avec un garage et même une grande étagère pour ses livres. On aurait eu la belle vie, si on arrivait à bien calculer. Mais bon, tant pis pour elle, et merci de t'être barrée, après tout, j'en ai eu plein d'autres, des nanas, des meilleurs coups qu'elle, et qui m'empêchent pas de m'éclater avec mes potes.
« Merci de votre attention, Messieurs dames, nous vous souhaitons une bonne journée. »