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21 août 2010

Et pour 3500 euros, on vous enlève Mamy !

DcoLes idées se présentant à nous de la manière souvent la plus saugrenue, c'est en prenant ma douche que m'est revenue une conversation que j'avais eue avec mon ami John sur une charmante aire d'autoroute il y a de ça une dizaine de jours, concernant le rapport ambigu qu'entretiendrait la France avec son Histoire (oui, celle avec une grande Hache). J'emploie le conditionnel parce que 1/cette idée n'est pas la mienne, et 2/j'ai encore du mal à en saisir toute la portée.
Il reste que cette conversation était partie d'une autre au sujet d'une émission qui sévit depuis quelques années à la Télé: cette émission c'est D&CO. Vous savez, celle où une blondasse bruyante, vulgaire, mal fringuée et incroyablement irrespectueuse se pointe chez vous avec son équipe d'ouvriers (tous méga-cools !) pour relooker votre vieille baraque pourrie. A ce sujet, puisque nous sommes à la mode de la romanité (Spartacus, Rome...), je suggère un combat à mort entre Valérie Damidot, armée d'une masse, et Marianne James, rétiaire des temps modernes. Ca c'est ce qu'on pourrait appeler le choc des Titanes
Soit. Jusque là, si les gens sont assez stupides pour confier la décoration de son intimité à cette morue qui la transformera en une succursale de Babou, pourquoi pas. Mais ce qui me dérange, c'est le principe: pour financer tout ça, on propose aux candidats de jeter tout ce dont ils veulent se débarrasser. On amène une grosse benne dans la rue, et les gens ont une heure pour la remplir de "vieilles affaires", qu'on leur reprendra à hauteur de 100 euros par kilo déposé. Les sous ainsi récoltés paieront ainsi le meuble qui sent la fraise (authentique) et autres horreurs à la mode, réalisés "sur mesure".
Et c'est ainsi qu'on voit ces personnes courir, dans une joyeuse débandade familiale (oui, parce qu'ils sont contents !) pour chercher les fameux objets dont on ne veut plus. Sur un fond de musique rigolote, le spectateur assiste à l'éventrement d'une histoire familiale: on jette la bibliothèque (les livres, c'est lourd, c'est bien connu ((une pensée, en passant, à l'une de mes anciennes profs de littérature qui arrachait systématiquement toutes les annonces de livres à vendre des couloirs de la fac, sous prétexte qu'on ne monnaye pas la nourriture de l'âme)) ), les vieux meubles de famille (de BEAUX meubles, en bois massif, qui ont parfois près d'un siècle, qui ont traversé les générations familiales, PUTAIN !!!), les jouets des gosses de quand ils étaient bébé ("tiens, tes doudous, tes dessins de maternelle, tes albums de classe, tes premières fringues, ça peut faire 100 euros ma fille !")... Et ainsi de suite. J'en aurais eu les larmes aux yeux si j'avais vu un piano finir dans la benne.
Ca ça me met vraiment mal à l'aise. Pour pouvoir se faire décorer leur maison avec de sombres merdes fluo qui seront pétées au bout de deux ans, on invite une famille à se couper de son histoire familiale, à passer de la diachronie à la synchronie: il s'agit de vivre avec son temps, et de ne plus se pré-occuper de son histoire, de faire du neuf avec de l'ancien (alors que paradoxalement, ce qu'on appelle le vintage est plus que jamais à la mode, qui parlait de schizophrénie ?...).
Inutile de relire Finkielkraut pour ça: tant qu'il y a trace, il y a histoire, il y a identité . Jeter son histoire, c'est symboliquement se débarrasser d'une partie de son identité, accepter de tourner la page pour passer à quelque chose de "mieux", comprenez un endroit neuf, mais hideux. La tête des gens, en décovrant au bout d'une semaine en quoi avait été transformée leur maison, est parfois éloquente: mais que diable allaient-ils faire dans cette galère ?
Et surtout, j'ai du mal à imaginer la manière dont on peut bien réinvestir un endroit dont on n'a pas choisi l'agencement, dont les couleurs, les meubles, l'esprit ont été dictés par la loi du mauvais goût (infiniment plus abyssal).
Bref, tout cela contribue, renforce ma décision de remiser ma télé dans la maison familiale. Ca me fatigue, ces conneries.

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Commentaires
I
Merci pour cet article, il résume exactement ce que je pense; je suis tombée le week-end dernier sur cette émission et suis restée sidérée.
K
Ah, toi aussi, ça te choque?<br /> <br /> Parfois, ils jettent de vieux et beaux meubles, mais parfois, ils les relookent... et je me demande si ce n'est pas pire!<br /> <br /> Ce qui me déprime, c'est de voir que tous les magasins de déco semblent avoir cette émission pour modèle.
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