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22 juillet 2009

Le slogan se meurt, le slogan est mort !

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Alors voilà,
J'étais tout à l'heure en train de nettoyer ma cafetière en faisant circuler à l'intérieur du produit pour éliminer le calcaire. Et comme cette opération, à la portée du premier Valenciennois,  ne nécessite, a priori, aucune vigilance particulière, mon regard évasif tomba par hasard sur un dépliant de la Foir'Fouille. Ce fut comme une apparition: je m'aperçus que le slogan de cette digne entreprise avait été changé. Maintenant, il s'agit de lire: "Des prix qui font plaisir !"(et comme je ne mens pas, je vous invite à vérifier par vous-même: http://www.lafoirfouille.fr), en lieu et place de l'ancien slogan, qui était pourtant digne d'un calembour saint-simonien !
Ainsi, avec la justesse d'un Bossuet et la finesse d'analyse d'un Barthes, j'ai donc décidé, en cet après-midi d'été, de faire l'éloge funèbre de l'ancien slogan de la Foir'Fouille, à la manière des célèbres Mythologies barthésiennes.
Pour ce faire, rappelons à notre lecteur inattentif (oui, il y en a, hélas...) le fameux slogan qui faisait l'objet de notre admiration:

"A la Foir'Fouille, tu trouves de tout, si t'es malin,
Il y a plein de bonnes affaires."

Donc, il convient de se demander, de manière générale, quel est le but d'un slogan: par une formule brève, jouant autant que faire se peut sur une figure de style aisément repérable (facile à analyser dans le cas présent: remarquez l'alternance entre alexandrin (trimètre, en l'occurrence) et octosyllabe), ce qui n'est pas sans rappeler la variété versificatoire d'un la Fontaine, par exemple (Fables, I, 3):

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. (12)
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, (12)
        Tout petit prince a des ambassadeurs, (10)
Tout marquis veut avoir des pages. (8)


, un peu comme pour s'acaparer, mimétiquement, la dimension proverbiale des fables. A la limite, on pourrait presque inventer un petit apologue dans lequel le pas malin se ferait entuber en achetant cher des trucs qu'il aurait eu pour une bouchée de pain à la Foir'Fouille) il s'agit d'interpeller le lecteur en établissant une connivence entre lui et la marque. Un slogan doit parler immédiatement à un type de public, quoi. Il s'agit rarement d'un énoncé complexe, afin d'être facilement retenu par notre Valenciennois sus-nommé. Or, force est de constater la complexité de cette phrase, dans laquelle l'éventuelle actualisation du procès est mis en balance par une proposition subordonnée qui plonge le Valenciennois inférieur dans l'angoisse: on trouve de tout à la Foir'Fouille (ce qui est faux, par ailleurs), mais SEULEMENT, ET SEULEMENT SI (ssi, comme disent nos amis mathématiciens) on est malin.
Il serait assez complexe, voire même futile et inutilement vain d'établir dans cet article si passionnant un historique du mot "malin" (NB: je n'ai pas écrit "de l'adjectif", puisque ce terme peut aussi être utilisé en tant que substantif), bien que cela n'eût pas été complètement inintéressant (les plus pointilleux regarderont ) dans notre propos. Ce qui est sûr, c'est que même en n'étant pas malin, on peut faire des "bonnes affaires", comme nous le précise l'octosyllabe de la seconde partie du slogan. Et ce pour une raison très simple: la Foir'Fouille, c'est pas cher. Il reste que faire de bonnes affaires inutiles, c'est pour les nigauds, c'est pour les pas malins. Les malins, eux, savent profiter justement de ces prix ridicules pour "trouve(r) de tout".
Mais derrière cette mise en garde contre les imbéciles se cache un message politique: puisque ce qu'on trouve à la Foir'Fouille n'est pas cher, pourquoi payer la même chose cher, et ailleurs de surcroît ?! C'est vrai: Pourquoi notre Valenciennois qui cherche son miroir avec la photo de Johnny à mettre dans son salon paierait-il plus cher son sésame à Carouf' ou à Leclerc alors qu'il est moins cher à la Foir'Fouille ?!
Ben parce qu'il est malin. Et voilà.
Implicitement, le bourgeois qui cherche et qui trouve à Carouf' son miroir de Johnny, lui, n'est pas malin. Comme quoi, être riche ne rime pas nécessairement avec malice. Les bourgeois rateront leur vie alors que les gens avec des revenus plus modestes (des pauvres, quoi), s'ils sont malins, feront plein de bonnes affaires. nous arrivons finalement à une inversion des valeurs tout à fait caractéristique du climat actuel: Steinbeck nous l'avait montré, la crise rapproche les gens, soude les familles et rappelle les valeurs essentielles: la malice et les bonnes affaires.
Et ça, c'est important.

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Commentaires
S
Tu es un peu un héros, j'avais jamais vu un article aussi détaillé qui parle de la Foir'fouille! Très intéressant!
E
C'est étrange... si j'avais écrit cet article j'aurais remplacé Valenciennois par Catalan... Certes, je n'ai pas vu "bienvenu chez les Chtis", mais je me suis quand même tapé presque trois années de Catalogne "française"...
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