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Blog de littérature

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9 juillet 2011

Hommage aux anonymes

Oui, voilà un peu plus de trois ans que ce blog s'est ouvert. En trois ans, il a allègrement dépassé la centaine de messages, à des fréquences plus ou moins irrégulières, et en trois ans j'ai encore du mal à lui donner une cohérence. A la base journal d'un jeune prof devenu inutile dans la mesure où une fois les premiers galons pris, les angoisses se sont dissipées d'elles-même, il est à la fois blog littéraire, support d'attaques indirectes, brouillon pour ne pas perdre la patte de l'écriture, dépositaire de belles lectures ou écoutes musicales... Merci donc à vous, nonymes ou anonymes qui prenez un peu de votre temps, tandis que la clepsydre se vide, pour parcourir ces billets.

Mon seul regret, si je puis me permettre, concerne la quasi-absence de commentaires. Non que je veuille rivaliser avec ces minots qui veulent des "coms", mais davantage pour avoir votre avis, vos réflexions, pour, pourquoi pas, établir un échange.
Merci encore à vous.

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8 juillet 2011

Lettre aux jeunes collègues

Aujourd'hui a paru la liste des admis au CAPES de lettres modernes. J'y ai retrouvé le nom d'une amie, qui le passait pour la troisième ou quatrième fois. Une fille brillante, on avait commencé ensemble, je m'en souviens, une matinée de septembre 2001 (dix ans, bordel) dans une salle miteuse pleine à craquer d'étudiants improbables. C'était le cours de M. Falcon, qui nous a martyrisés deux ans durant avec ses cours magistraux de grammaire moderne. Quatre ans plus tard, nous étions à peine quatre à avoir obtenu notre maîtrise du premier coup, un carton plein. Amélie en faisait partie.
Puis a commencé pour elle la série des tentatives du CAPES. C'est lourd, ces préparations. Sortant d'un travail recherche sur des sujets assez pointus, il nous fallait passer à du très généraliste. D'extrêmement calé en presque rien, on nous demandait de savoir beaucoup de généralités sur presque tout. Pas nécessairement d'être hyper-pointu, mais de rassembler nos connaissances pour être en mesure d'improviser sur n'importe quel sujet de grammaire et de littérature. Et passer d'une démarche à une autre, ça fait bizarre. Et comme le talent est récompensé, Amélie a eu son CAPES.
Soit. Tout cela pour dire que ces concours sont vraiment des rites de passage, le passage de l'ère estudiantine, avec tout ce qui va avec; à l'âge d'homme. C'est pas facile de passer d'une manière de considérer son objet d'étude d'une autre façon, de se dire que l'on va entrer dans un autre monde dans lequel les après-midi passés à lire à la BU ou à assister à des séminaires universitaires seront des souvenirs. Ces concours sont nécessaires, ils constituent un seuil psychologique et sélectif important (malgré toute l'injustice que cela comporte, bien entendu) et les récentes mesures visant à le supprimer sous couvert de "modifications" et autres "réformes" me rendent plus que sceptique. D'une part pour cette dimension psychologique -argument discutable- mais aussi pour l'exigence que l'on avait vis-à-vis de sa matière. Tout se passe comme si l'on devait former maintenant des gens aptes à tenir des classes et à leur faire enseigner des généralités sans réelle teneur scientifique. Après tout, n'importe quel prof de collège serait en mesure d'apprendre la factorisation ou les verbes irréguliers. Cela est vrai, mais au prix de combien d'inexactitudes, d'a prioris, de flous, d'imprécisions ? Je frémis encore en entendant les élèves me dire "mais le COD, on le trouve en posant la question quoi ", car cela est la conséquence de ce nivellement. On ne parle plus d'enseignement de matière, mais d'encadrement éducatif. On éduque et on n'institue plus. Ou presque.
En réponse à la baisse catastrophique du niveau des élèves, et c'est toujours -laissez traîner une oreille dns n'importe quelle salle des profs- de la faute des autres: les parents qui n'éduquent plus, les instits qui racontent des conneries, la gendarmerie qui ne fait plus son travail, le gouvernement qui sucre des postes, la télé qui diffuse des dessins animés merdiques (comme si Dragon Ball Z ou Salut les Musclés avaient constitué un prolégomène à une éducation humaniste), Internet, les SMS... Mais couvrir la totalité d'un programme, faire bosser ses élèves jusqu'au 25 juin, faire un devoir minimum par semaine, , déchirer et poubeller un cahier crade en exigeant qu'il soit recopié proprement, potasser ses grammaires régulièrement, lire et relire ses classiques... cela est de notre ressort, et contribue à instituer des gamins qui auront eu une idée de ce qu'est un travail propre. Moi-même suis loin de me tenir stricto sensu à ces belles paroles et avoue avoir des disfonctionnements dans mon enseignements, une multitude d'erreurs que j'essaie de pallier. Mais quand je lis dans une correction officielle du brevet dernier des ABERRATIONS grammaticales qui m'auraient valu cent coups de férule par le cher M. Falcon sus-nommé ("vous compterez comme recevable la réponse "connecteur logique" comme classe grammaticale), ou que l'on supprime des pans entiers de grammaire dans les programmes de troisième, je me dis que oui, à ce train-là, en collaborant à cela je pourrais faire un cours de physique ou de techno en troisième .
Voilà dans quel monde vous entrez, chers nouveaux collègues. Vous en avez chié pour avoir le niveau que vous avez, ne le jetez pas aux oubliettes car même pour apprendre la coordination en sixième il faut mobiliser ce qu'on a vu en licence.

4 juillet 2011

The Reader, de Bernard Schlink

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Je n'aime pas le cinéma, je déteste le cinéma. C'est un "art" qui pour moi n'a aucun intérêt. 
Signaler cela alors que je m'apprête à dédier un billet pour un film qui m'a remué les tripes peut être considéré comme un double hommage. Sans trop y croire, avec la tête comme une pastèque, remué par une journée longue comme un jour sans pain et sans silence, j'ai mis dans le truc qui rappelle vaguement un lecteur DVD de fortune (oui, je dois le sortir du meuble, le brancher, le connecter, il n'a pas de télécommande, il ne lit pas Divx, et il t'emmerde) le film que m'avait prêté une élève quelques jours auparavant: Le Liseur, film tiré du bouquin de Bernard Schlink
Soyons honnête: j'avais surtout envie de voir le film pour me délecter de la magnificence de Kate Winslet (oui, là aussi, et encore ), qui est pour moi la créature la plus sexy du monde, sisi, et le sujet du film ne m'intéressait pas tellement. En plus de me voir confirmé le talent de Kate, je suis plongé dans cette oeuvre magnifique, et Dieu sait qu'il m'en coûte de parler d'oeuvre en évoquant un film...

Comme pour toutes les grandes oeuvres sujet est relativement simple: un gamin de quinze ans rencontre, peu après la guerre, une femme plus âgée avec laquelle il a une liaison. Au fur et à mesure que le relation devient plus sérieuse, Hanna demande quotidiennement à Michaël de lui faire la lecture des classiques qu'il étudie à l'école: "d'abord tu lis, ensuite on fait l'amour". Une oeuvre, en particulier, revient très souvent: l'Odyssée. Un jour, le jour de l'anniversaire de Michaël, Hanna disparaît et laisse son appartement vide, laissant le jeune homme meurtri. Quelques années plus tard, le "kid" devenu étudiant en droit assiste à un procès à Berlin contre des criminelles nazies, accusées d'avoir laissé des femmes juives brûler dans l'incendie d'une église (anecdote qui n'est pas sans rappeler un passage des Bienveillantes évoqué dans un précédent billet, peut-être Littel s'en est-il inspiré ?). Tous bascule quand il reconnaît Hanna, laquelle est condamnée à perpétuité sans avoir avoué qu'elle ne pouvait être l'auteure du rapport accablant contre les geolières dans la mesure où elle ne savait ni lire ni écrire. Michaël retrouvera les oeuvres qu'il lisait à son ancienne maîtresse et les enregistrera sur cassette pour les lui envoyer dans sa prison, ce qui permet à l'ancienne criminelle d'apprendre à lire et à écrire. Vingt ans plus tard, Hanna est libérée, Michaël vient la voir la veille de sa libération et s'aperçoit à quel point la vie a changé leurs deux destins. S'apercevant de cette fracture, Hanna se pend dans sa cellule, après être grimpé sur ses livres rangé soigneusement sur une table. Le film se termine sur la tombe de l'éternelle bien aimée, devant laquelle Michaël s'apprête à raconter à sa fille cette histoire qui a transformé sa vie. Oui, maintenant vous connaissez la fin. Tant pis.

Loin d'être un film sur l'amour éternel plus fort que la mort et autres culculteries (désolé) ou une polémique de plus sur les atrocités nazies que c'est pas bien et bou que c'est méchant, cette oeuvre est un hommage à la littérature. La littérature primitive: celle qui se transmet par la voix, matériau malléable et réagençable à souhait. L'espace des personnages est celui de leur voix. Ils ne parlent pas, ou très peu et toujours pour des banalités loin des sentiments exprimés mais la beauté de leur parole est une beauté empruntée aux textes littéraires, de tout poil. De Tintin jusqu'à Lessing, d'Horce à Tchékhov, Hanna reste insaisissable dans la mesure où elle n'existe que par l'espace littéraire. Ce n'est pas pour rien que Schlinck en a fait une personne analphabète, analphabète et enfermée: enfermée dans son métro (quand Michaël la rencontre, elle est poinçonneuse dans un métro berlinois), dans son appartement, dans sa baignoire, dans sa cellule... la confrontation avec le monde extérieur la révèle fragile et finalement, si ce n'est sa sensualité maternante, assez quelconque, voire désagréable. Personnage ordinaire confronté à un destin extraordinaire (à l'instar de Wladyslaw Szpilman, le pianiste dont Polanski a tiré son merveilleux film, magnifique hommage à la musique de Chopin que peu de personnes semblent avoir compris), Hanna est émouvante par ce qu'elle véhicule moins que par ce qu'elle est. A travers elle le spectateur/lecteur/Jules chialant comme une gonzesse (rayer la mention inutile) se livre à une catharsis (ce que conseille une rescapée d'Auschwitz à Michaël, "les camps ne sont pas un théâtre où on évacue ses passions") et retrouve par l'intermédiaire de la voix du liseur le sens de la littérature: une voix coupée du monde et plongeant dans le monde.

 Je lis pas mal, d'ailleurs, je m'y remets: fini les Mémoires d'Hadrien, la Chronique d'une Mort annoncée, Manon Lescaut (en cours, surprenant, très surprenant, à commenter), A l'ombre des jeunes filles en fleur, à emprunter: Le lecteur (ben oui, autant lire le bouquin quand même) et La Culpabilité allemande, de Jaspers.
Les vacances ! 

27 juin 2011

Ces bons élèves qu'on flingue

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"Les bons élèves, ils s'en sortent toujours ! "
Oui, ça c'est l'un des poncifs les plus stupides qui soient, et hélas l'un de ceux qu'on entend le plus souvent.

Aujourd'hui, réunionnite supplémentaire. Ordre du jour: les oraux d'histoire de l'art en troisième, nouvelle épreuve qui sanctionne les candidats au brevet sur une analyse d'oeuvre ou de thème portant sur l'art du vingtième siècles. Divisés en groupes de deux ou trois, et répartis selon les collègues, chaque groupe doit à la fin de l'année présenter leur production à un jury constitué de deux enseignants autres que leurs tuteurs.
Ce fut catastrophique. Des productions minables, aucune réflexion, du copier/coller débile, pas de travail... Les élèves qui ne se sont pas investis ont récolté des notes de merde. Et ont été mis en place pour ces cancres des "sessions de rattrapage" pour pallier la paresse de ces gens-là, sous prétexte du caractère inédit de l'épreuve, de la sévérité de certains jurys (celui clairement visé était constitué d'un collègue et de moi-même, "je savais que ça allait casser", a conclu notre directeur...), de la présence d'oraux de rattrapage au baccalauréat... donc ces élèves-là ont récolté une note au final plutôt bonne (15 à peu près) compte tenu du copier/coller merdique qu'ils avaient fait, tandis que ceux qui avaient joué le jeu et travaillé pour de bon sont restés avec leur note, entre 15 et 17 en général.
Quelle leçon tirer de tout cela ?
- il vaut mieux, et je ferais pareil à leur place, ne rien foutre et assurer un rattrapage en bossant une soirée la veille de l'épreuve.
- j'ai noté certains candidats et le temps que j'ai perdu à estimer leurs productions a été tenu comme négligeable.
- les élèves qui sont sérieux ont été lésés.

Et c'est cela qui me semble le plus représentatif de notre médiocrité actuelle: les bons élèves paient pour les mauvais, ils sont inévitablement tirés vers le bas en vertu, et je dirais presque à cause, de leur capacité à intégrer vite et bien les informations, de leur régularité dans le boulot, de leur investissement personnel. Un bon élève, par exemple, est toujours placé à côté d'un agitateur, "ça le canalise". Certes, mais quel est le prix à payer pour celui qui se coltine le branleur d'à côté ? Cela est un exemple parmi tant d'autres. Au lieu de cultiver le goût de l'effort, on rabaisse l'effort à n'être plus qu'un dédain. On en vient à se féliciter de ce qu'un élève tienne bien son cahier, et même à lui donner une note pour cela. Au lieu de confronter l'apprenant à sa difficulté, on aplanit la difficulté.
Entendons-nous bien: progresser par paliers, monter le niveau progressivement est une bonne chose, et c'est ce qu'il faut. Le but du jeu n'est pas de dégoûter l'apprenant. Mais se contenter des quelques miettes qu'il daigne, car on est dans le règne du dédain (dé-dignare, ne pas juger digne de), nous jeter et se voir remis en question dans ses exigences fait partie de ces insultes qui me donnent envie de changer de boulot et de partir élever des chèvres.

Est-il étonnant de voir proliférer un tel manque de conscience de l'Autre, nous ne parlons même plus de respect, si l'Autre n'est pas en mesure de faire valoir ce qui est normal et ce qui ne l'est pas ? S'il est normal à quinze ans de rendre un torchon à deux enseignants et de se voir encouragé dans ce mépris (participe passé substantivé de mal-prendre, mal-appréhender, au sens physique du terme), comment l'adulescent devenu adulte comprendra t-il qu'il est mal de violer une joggeuse ? Faut-il que ce soit la justice qui doive confronter les gens à leurs actes, sous couvert de "l'institution qui est faite comme ça" ou de "il faut être indulgent" ?
Les deux choses sont-elles tellement différentes ? Je commence à en douter, en voyant le mammouth s'engluer dans le marécage qu'il s'est créé à force de piétiner.
Et ceux qui jouent le jeu continuent de se faire enfler. 

23 juin 2011

Bilan annuel

vacances

Ca y est, on entre dans la phase critique. Les cours sont arrêtés, la cour est quasi-vide, si ce n'est une poignée de gamins que les parents ont déposé puisqu'ils travaillent/veulent avoir la paix, j'ai donné mon ultime cours de révision il y a trois jours, je n'aurai plus d'élève avant début Septembre, on a commencé les réunions à la con: six heures par jour pour en aboutir quasiment au même point.

2011-06-24 11

On le sent, le boulot, hein ?


J'aime bien les périodes qui précèdent celles-là: il y a encore assez d'élèves pour que l'établissement tourne, mais pas assez pour prétendre faire cours normalement. Genre trois ou quatre élèves. C'est le moment où on leur donne l'autorisation de discuter entre eux ou de faire des jeux relativement silencieux pour rattraper calmement la masse de boulot qu'on n'a pas eu le temps d'abattre durant l'année. C'est là que l'on découvre le mieux nos chers petits, et là aussi qu'ils nous découvrent le mieux. Curiosité réciproque, on discute de choses qui n'ont rien à voir avec le travail scolaire ("Alors, tu fais quoi durant les vacances ?" - "Et ça fait combien de temps que vous faites du piano ?" - "Tu fais du sport en dehors du collège ?" ...), ce qui est un peu paradoxal puisque ces échanges devraient intervenir tout au long de l'année, et non pas justement au moment où on s'apprête à ne plus avoir ces élèves.
Je m'aperçois que je suis assez distant, comme prof. Je parle peu de moi, m'intéresse peu à ce que mes élèves sont en dehors de mes cours pour me limiter à ce qui nous unit: la matière. Non que ce qui soit extra-scolaire ne m'intéresse pas, mais l'idée de parler d'autre chose alors que nous nous voyons pour travailler ne me traverse pas l'esprit.
C'est un peu le bilan que je ferais de cette année scolaire: je gagne en souplesse, j'ai l'impression d'à peine réaliser ce qu'est ce métier. Non pas seulement du gavage, puisqu'il en faut tout de même, mais l'application d'un précepte que j'ai affiché au-dessus de mon piano: ne pas chercher à être meilleur que qui que ce soit, mais à être meilleur que la veille. Et dieu sait à quel point ces gosses partent de loin quand on est confronté à des illettrés, et ce n'est pas une exagération, en troisième générale. Ma tendance naturelle est de me braquer et de tout mettre sur le compte d'un manque de travail, et donc de continuer mes cours bétons et mes interros bétons sans me remettre en question quand ils prennent taule sur taule. C'est ma tendance naturelle. Mais c'est pas bon, certains élèves, ceux qui sont vraiment en difficultés, n'ont rien appris à mon contact, ne se sont pas enrichis. Je bosse pour de bons élèves et néglige les mauvais. Il faut procéder autrement et perdre l'impression que j'ai, parfois, de parler dans le vide. Surmonter cette répugnance pour ce que j'appelle le français IKEA: les lettres de motivation, CV, l'orthographe efficace et claire dénuée de la prise de conscience de la majestuosité grammaticale. Il va falloir m'assouplir et sortir de mon carcan transmissif, c'est pour cela que j'ai décidé de prendre une troisième DP6 (spécialisée dans une professionnalisation rapide, 6h par semaine de découverte professionnelle, en clair des gamins qui ne sont pas scolaires et qu'il faut réorienter) pour me forcer à travailler avec ce public. J'ai aussi décidé de devenir prof principal d'une cinquième, afin de faire un suivi plus pertinent de chaque élève, qui sorte du "il a pas appris son cours sur la voix passive, c'est de sa faute". 
La frontière est mince entre le fait de partir de l'élève pour le faire progresser ne serait-ce que d'un chouia et le démagogisme. Distinguer celui qui ne comprend rien et qui n'y arrive pas de celui qui n'a rien foutu car s'il faut savoir aider celui-ci, il faut aussi sanctionner celui-là.
Voilà qui promet une belle rentrée. En attendant, finir ces réunions stériles, surveiller puis corriger le brevet, et prendre du repos bien mérité, je crois. Pas de voyage prévu, hélas, suite à différents frais imprévus qui viennent grever mon budget, autrement je me serais fait la Grèce, j'ai envie d'aller en Grèce.

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5 juin 2011

WE parisien

Profitant d'un week-end prolongé et comptant sur le courage d'une personne qui s'est révélée ne plus en avoir, j'ai pris un billet de train pour Paris pour y passer quelques jours, logé chez une amie dans le treizième. C'est une ruche, le premier mot qui me venait à l'esprit quand je pensais à notre belle capitale. Un endroit que l'on voit de loin, dans lequel on met du temps, beaucoup de temps à accéder dans la mesure où j'étais toujours, jusque là, logé en banlieue. Un immense champ des possibles tellement vertigineux que l'on en perd la tête, et où à vouloir tout faire on ne fait finalement rien.
Je m'étais trompé, non sur la représentation que j'en avais qui était de fait assez juste, mais sur la magnificence de cette ville vue de l'intérieur. Prévoyant comme un japonais, j'avais acheté un petit guide dont je ne me suis quasiment pas servi tellement je me suis senti comme un poisson dans l'eau. Sans doute est-ce dû à ma récente (enfin, récente, un an et quelques mois tout de même) vie citadine, mais quoi qu'il en soit ce qui rapidement m'agaça le plus fut les stations vélib blindées, m'obligeant à voir la suivante...encombrement relatif, donc.
J'avais vu la tour Eiffel et autres clichés touristiques, on avait fait Montmartre aussi... mais je n'avais pas compris, pas suspecté la richesse de cette ville. Le nombre de choses à faire, de spectacles à voir, cette effervescence culturelle, la facilité de déplacement. En quelques jours, j'ai posé des gallons, et hier je n'ai quasiment pas ouvert mon petit plan de la journée. Vu un comédien réciter -réciter- pendant deux heures -deux heures- des passages d'un Balcon en forêt, mon roman fétiche, le tout dans un théâtre minuscule de l'île Saint Louis, plus petit que mon salon, où les sièges consistaient en une quinzaine de petites chaises rembourrées; trouvé dans une librairie musicale rue de Rome l'intégralité des Suites françaises pour moins d'une dizaine d'euros; visité le centre Pompidou; vu et failli pleurer devant les somptueux Nymphéas de Monet à l'Orangerie

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, découvert le Marais, revu le quartier latin, passé devant ma chère Sorbonne et épluché les librairies d'occasion du boulevard Saint-Michel.
Paris est une ville où tout devient facile très rapidement. On en vient, en quelques jours, à tutoyer Notre-Dame et à intégrer l'ordre des rues, le sens des circulations, le fonctionnement des vélibs... les parisiens, aussi, sortent assez rapidement de leur légendaire réserve du moment que l'on brise la glace avec eux. J'ai vu des amis que je n'avais pas croisés depuis longtemps, et pris un apéro sur les quais de Seine avec la facilité de ceux qu'on organise à Perpignan. Je kiffe cette photo.

2011-06-04 22

Rencontré enfin des amis de mon forum et fait un resto avec. Super moment qui a ouvert le séjour. Il n'y a qu'une personne qui manqua à l'appel. Tant pis pour elle. C'est grotesque.
Pour la première fois, je crois, j'ai profité de Paris, j'ai compris à quel point cette ville était géniale. Non pour y vivre, le rythme parisien est quand même dur sur le long terme, je pense, mais pour y venir, plus souvent, sur des WE prolongés, dans des hôtels de fortune intra muros
Voilà une bien belle résolution, comme s'il était besoin d'un nouvel an pour en prendre.

4 mai 2011

Si va piano, va sano

2011_04_27_08

A la base, j'avais prévu d'acheter un appartement, de me trouver un petit nid à rentabiliser. Mettre de côté, comme on dit. Mais au final, les visites et les mois passant, j'ai laissé tomber l'affaire et quitte à faire un acte symbolique, au lieu de lancer un trait ailleurs je me suis ancré encore plus ici en louant un piano. L'utile échangé contre l'agréable, pourrait-on dire. Ca faisait un moment que l'idée me trottait dans la tête, et comme d'habitude il me manquait le coup de pouce du domino, la première impulsion qui allait lancer la machine. C’est au magasin que je me suis lancé et que j’ai dit à mon Maître que j’aimerais, enfin, louer un de ses instruments parce que j’en avais marre de mon Clavinova. Avec un sourire il m’a fait entrer dans sa caverne. « Je vous laisse les regarder », m’a t-il dit avec un sourire avant de disparaître avec sa discrétion habituelle. Ce type est un fantôme, ce qui justifierait certainement cette curieuse synesthésie. Les regarder, ben voyons.

La salle d’exposition du magasin tient à la fois de l’atelier, de la salle d’essai, de travail… Imaginez une grande pièce assez sombre, mal éclairée par quelques mauvais néons, un peu cradouille, monstrueusement poussiéreuse, avec une trentaine de pianos droits qui attendent là qu’un musicien veuille bien les emporter. Je dois l’avouer : j’étais un peu gêné, presque honteux à cause de ce silence et de la lourdeur de l’ambiance. Puis après avoir fait une fois ou deux le tour de la pièce comme pour instinctivement prendre possession, je pris mon courage et mes deux partitions (la Seconde Invention, l’adagio du Concerto Italien), m’installai sur le premier piano et commençai à jouer après quelques gammes. Tous je les essayai, même ceux qui étaient bien trop chers pour mon budget ou trop gros pour mon appartement. Pour une fois que j’avais un bon choix d’instruments à ma disposition, il s’agissait d’en profiter. Ce n’est pas une chose simple que d’essayer un instrument. Il faut se mettre à sa portée, sentir la manière dont il réagit, ses sonorités, ce qu’il peut ou non nous donner. C’est une démarche d’humilité, finalement, que de repenser aux doigts qui ont efleuré ces touches avant nous, aux centaines d’heures de travail qui ont jalonné le clavier, aux obscures raisons qui ont finalement amené ce piano ici. Un héritage encombrant ? Un déménagement trop complexe ? Un dégoût de la musique ? Ou au contraire le désir de passer sur un instrument plus conséquent ? Autant de renseignements que nous ne saurons jamais vraiment, mais qui constituent une armature conditionnant l’accueil qu’il nous fait. Et à chaque fois, il s’agit de l’écouter autant que de se jouer de lui.
Par chance, je savais à peu près bien ce que je voulais. J’ai donc exclu d’office ceux dont la sonorité me déplaisait. Pour jouer mon répertoire, j’en voulais un qui ait une sonorité cristalline, qui soit assez nerveux avec une réponse directe, facile à doser, et non une caisse de résonance qui aurait donné un caractère sombre à n’importe quel morceau. Je sortais aussi de mon panel ceux dont le prix et le gabarit étaient rédhibitoires. Adieu Pleyel, Gaveau, Bechstein… Il en restait cinq, et tous les cinq je les ai essayés, re-essayés, avant de me fixer sur deux.

Une pause et une heure de jeu après, j’avais fait mon choix. Un petit piano droit, d’une marque inconnue, d’une trentaine d’années, avec une attaque et une réponse qui me correspondaient, à un pris de location raisonnable. Je retournai donc chercher mon Eaque pour lui signifier mon choix. La machine était lancée.
Un mois après, les déménageurs le déposaient dans mon salon. Il faut dire qu’il fait un peu tache, lui marron dans un mobilier essentiellement noir et blanc, mais cela m’importe peu. Il est bien éclairé, dans une pièce assez grande, je peux jouer la fenêtre ouverte les après-midis, les voisins ne sont pas trop incommodés par son bruit, et il y a une sourdine pour les exercices d’insomnie. Bien sûr, il m’aura fallu quelques heures pour que l’on s’apprivoise, et même maintenant je continue à faire quelques ratés au niveau de l’appui des notes, ratés qu’il ne me pardonne pas. Certes, il y a ce si qui sonne mal, et le mi et le fa qui ne reviennent pas une fois sur trois. Mais maintenant, quand je joue, j’ai l’impression de faire corps avec mon instrument, d’en jouer, même à un niveau aussi modeste que le mien ; et non plus de taper sur des touches qui me renvoient un son comme c’était le cas avec mon premier clavier. C’est une question d’ensemble, de cohérence.

Et il me faut encore un petit moment pour lui faire donner toute sa mesure, pour commencer à jouer, à appuyer vraiment sur les touches, à chanter avec lui.

Et ça, tout comme voir mes potes qui jouent avec quand ils viennent, à la fois amusés ou intimidés (il faudrait d’ailleurs dresser un portrait de l’ami en pianiste), ça n’a pas de prix.

22 avril 2011

Marivaudage ronaldien

marivaux

Elle était chatain clair, serrée dans une robe noire ridiculement courte et incongrue par ce temps frais et humide qui couvrait le trou de balle du monde dans lequel se situe mon collège, elle était très maquillée,  bien qu'à la réflexion ce maquillage ne l'enlaidissait pas comme c'est si souvent le cas chez les jeunes femmes, elle était un peu forte sans pour autant être ce qu'on appelle aujourd'hui "ronde", elle avait des yeux bleus en amande et de jolies dents qui laissent deviner la femme qui sait ce qu'elle veut et quelle pomme mordre. Un piercing à la langue, aussi. Elle venait probablement manger dans ce Mc Do avec ses collègues de boulot parce qu'elle n'avaient pas eu le choix, prises par un horaire trop contraignant, car jamais elle ne se serait laissée traîner spontanément dans un de ces fast-foods merdiques.

Elle doit avoir dans les trente ans. Entre 27 et 30, j'aurais dit. Elle a pris une salade qu'elle mangeait lentement, tout en discutant avec ses collègues. Une voix cristalline, assez désagréable d'ailleurs. Peut-être est-ce dû au fait qu'elle était en train de parler en mal de quelqu'un d'absent. Je n'ai pas pu distinguer ce qu'elle disait, mais l'exclamation "quelle connasse !", qui s'est échappée de la bouche d'une de ses congénères, ainsi que le sourire indescriptible qu'elle affichait en parlant prouvait bien qu'elle ne pouvait pas ne pas parler d'autre chose. D'ailleurs, je me demande si je l'aurais remarquée si elle avait été en train de parler de quelque chose de banal, de ce qu'elle ferait ce week-end par exemple. Finalement, le fait de faire quelque chose de mal l'associait au mal, ou au péché, et la rendait de fait terriblement attirante, donnait envie de pécher. 

Quelqu'un de très antipathique, en somme, et d'ailleurs le genre de femme médisante, vulgaire et superficielle qui ne me plaît pas du tout. Mais là, hier midi en mangeant mon Big Mac avec mes collègues, j'ai vécu une expérience telle que je n'en avais pas eue depuis longtemps. Rien de vulgaire ou de malveillant, je vous l'assure. Le plaisir d'observer quelqu'un dans son naturel sans être aperçu et de pouvoir en parler, du mauvais Marivaux en somme. C'est dans les premières lettres du journal du philosophe, je crois, que le narrateur raconte avoir surpris sa petit amie en train de faire des mimiques devant un miroir. Tellement déçu de constater que ces moues charmantes n'étaient pas dûes au naturel mais à un savant travail d'actrice, il la quitta.
Donc hier, au Mac Do, se trouvait une délicieuse inclination au péché. Dici.

22 avril 2011

Mea culpa

 

Bon, l'heure est grave, j'ai déconné et je m'en mords les doigts.
Recontextualisons l'une des plus vilaines soirées de ma vie, professionnellement parlant. Cela fait plus d'une fois que je parle de mon copain John, ami devant l'éternel en dépit de son métier de prof d'anglais, responsable de ça et vivant, roulant sur un beau vélo dont il ne s'est jamais servi et, comme si ça ne suffisait pas, en région parisienne. Non mais franchement. 
Ainsi, John redescend à chaque période de vacances, et à chaque période de vacances nous allons joyeusement nous soûler la gueule (les spécialistes apprécieront le chiasme), or il se trouve que ce soir là nous étions accompagnés par celui que nous appellerons Fulbert, professeur de mathématiques de nos amis, gai compagnon de beuverie au demeurant.
Or, il se trouve que nous avons croisé à la taverne une élève de terminale de Fulbert. L'élève et l'enseignant se sont salués avec déférence, échangés les trois banalités d'usage et souhaités une bonne soirée. Mais c'était sans compter sur ce saligaud de John qui, une fois avalées deux ou trois pintes, a commencé à draguer comme un gros sale cette jeune fille sous l'oeil atterré de Fulbert, et en l'absence du mien, dans la mesure où un coup de fil important m'avait tenu écarté de ce moment d'anthologie. Je ne suis revenu qu'au moment où John smackait délicieusement cette jeune fille après avoir détourné ignominieusement la tête. Bon, Fulbert était vert, mais ce fut une bonne soirée bien débile.
Le problème est que quelques jours plus tard, John et moi seuls traînant nos guêtres dans le même bar croisâmes à nouveau la jeune fille, et à nouveau avons-nous passé la soirée avec elle à déconner, jusqu'au moment où pour blaguer nous avons appelé Fulbert pour faire une blague débile de vil poivrot que nous étions.

Soit. Or depuis, et malgré mes plus plates excuses, renouvelées, Fulbert s'obstine à ne pas répondre à mes messages, à ne jamais décrocher le téléphone, à ne plus fréquenter nos apéros du vendredi, et Fulbert me manque. C'est un ami, et je trouve débile de faire la gueule comme ça pour une histoire qui, finalement, est stupide mais qui ne mérite peut-être pas pour entériner une amitié de plusieurs années.

Allez, mon Fulbert. Puisque tu ne me permets même plus de te parler, je te présente à nouveau mes excuses pour cette connerie. Tu peux me sermonner, m'engueuler, me faire payer toutes tes pintes jusqu'à la fin de l'année, mais ce silence, il est insupportable.

8 mars 2011

Des ronds et des carrés

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Sans doute est-ce ce qu'il y a de plus frustrant dans les rapports humains, ce fait que l'on ne peut forcer des carrés à rentrer dans des ronds. Comme ces jeux pour gosses dans lesquels le bambin s'échine à faire entrer une pièce rectangulaire dans une base ronde, ou inversement, jusqu'à ce qu'un adulte tragiquement bien intentionné lui donne la bonne pièce avec un regard attendri et compatissant. Il serait d'ailleurs intéressant à cet égard de faire une métaphysique des jouets pour bébés, on y trouverait à mon avis bien plus qu'un simple effet de mode ou de gros sous. Idée à retenir.
Soit, revenons à nos moutons. Il nous arrive souvent de se dire, ou de dire, que tel ou tel est con, ne comprend rien, va droit dans le mur... Au mieux, cela nous fait rire ou nous agace; au pire nous en sommes une victime, et l'agacement se mue en souffrance et en colère. Mais dans la mesure, postulat inaliénable, où la seule chose que nous sommes en mesure de changer, c'est nous-même et notre regard sur la chose, pourquoi se mettre dans des états pareils ? Nous savons que nous devons changer et nous adapter, nous le voulons bien mais nous ne nous y plions pas. L'étymologie est magnifique: ex-plicare, c'est déplier. Nous déplions le comportement de l'autre, nous déplions nos propres réactions, mais nous ne nous plions pas à ce que cela entraîne. Autrement dit, nous sortons de nous-même sans pouvoir y rentrer.
Tout cela est profond et met en jeu des pressions qui débordent largement le domaine du logos. Vouloir que l'autre fasse ce que l'on aimerait, c'est partir du principe que nous pensons le bien à la fois pour lui et pour nous; c'est aussi lui attribuer une capacité de changement qu'il n'a pas nécessairement, ou qu'il ne souhaite pas solliciter. Autrement dit, je n'aime plus l'autre pour ce qu'il est, mais pour ce que j'aimerais qu'il devienne, pour ce que je pense être bon pour lui. Aimer pourrait revenir à vouloir faire entrer un rond dans un carré, et s'apercevoir que l'autre ne veut/peut pas entrer dans le moule qu'on lui a concocté provoque, de manière très puérile finalement, la colère du bébé qui ne comprend pas pourquoi le truc ne rentre pas dans le machin. Passée la colère viennent les arguments: pourquoi ne comprend-il pas, par a+b, qu'il va droit dans un mur, qu'il est malheureux, que le choix qu'il fait ne peut pas être le bon...pour en venir à l'acceptation, puis au deuil et au fait de se tourner vers autre chose.

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Cela dans le meilleur des cas. Nous avons tous connu des gens autour de nous qui buggent, comme disent les élèves, qui se plaignent toujours du même truc, qui clament haut et fort le fait que le problème est insoluble et qu'ils en sont la victime, et ce parfois depuis des années. Sur le forum que je modère se trouvent plusieurs personnes comme ça: il ne se passe pas un pour sans qu'elles viennent chouiner sur le comportement de leur chef ou sur leur prétendue incapacité à "remonter la pente"... en bref, c'est toujours le bébé qui parle et qui ne comprend pas que le truc ne collera pas avec le machin, ce qui donne des personnes qui attendent que l'extérieur se plie à leur volonté. L'extérieur, quelque soit la forme sous laquelle il se manifeste (travail, amis, amour... c'est du pareil au même, on n'a que ce qu'on mérite), ne se changera pas, c'est à nous de devenir roseau au lieu de se borner à être un chêne, et notre regard sur les choses changeant, changent les choses, et ce toujours selon la bonne configuration, ou du moins selon celle que nous avons cherchée.
Cela prend du temps et de l'énergie, mais vaut la peine d'être vécu.

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