Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Blog de littérature

Publicité
Blog de littérature
Archives
Newsletter
4 décembre 2009

Premier morceau qui tient la route !

D'ici une semaine ou deux, ce premier morceau sera, je pense, fini: je l'aurai terminé. La première invention de Bach. C'est un petit début, certes, mais un début.


Mon prochain morceau sérieux: la sonate en ré majeur, de Domenico Scarlatti. Mais patience.

Publicité
Publicité
3 décembre 2009

Michel Onfray et la suspension

michel_onfray_6mars07

Au fur et à mesure que je le fréquente à la lecture de ses livres, Michel Onfray est un personnage (non pas une personne dont je ne saurais juger: on ne perçoit la personne qu'à travers son masque d'auteur, bien que le clivage narrateur/auteur tende beaucoup à s'estomper chez lui) qui m'est de plus en plus sympathique. Déjà, en voyant son parcours qu'on peut, pour le moins, qualifier de courageux: démissionner d'un poste de prof de philo pour fonder une université libre (celle de Caen, en l'occurrence) ne doit pas être une décision facile à prendre, et marque un certain courage: il faut être sûr de son coup pour faire un truc pareil. Respect.

Ensuite en le lisant. J'avoue 1/ne pas avoir tout lu, et 2/ne pas avoir toujours terminé les livres que j'ai commencés (le traité d'athéologie, notamment, m'est tombé des mains). Mais son écriture est toujours d'une grande clarté, oscillant entre désir d'être compris du vulgus pecum (expression qu'il doit détester, je pense) et érudition très précise. Manifestement, Onfray a lu, beaucoup lu et beaucoup réfléchi à ce qu'il lisait, de manière on ne peut plus personnelle.
Se dégage de ses livres (ceux que j'ai lus, pour le moins) une sensibilité à fleur de peau, une capacité à intégrer dans sa pensée des éléments qui a priori ne font pas l'objet d'une conceptualisation, à concilier le paysan et le philosophe afin d'embrasser dans sa philosophie une sorte de totalité réconciliant corps et âme. Son petit bouquin sur le Sauternes, par exemple, est éloquent à cet égard, on y sent une grande influence de Bachelard, on croirait presque lire le sixième volume de la suite de livres que l'épistémologue avait consacrés aux éléments, sans néanmoins la plume géniale de son illustre prédécesseur. Ne fait pas du Bachelard qui veut. Se dégage parfois également, et c'est cela qui me le rend encore plus sympathique, une certaine mauvaise foi, en particulier dans ses écrits philosophiques. Toute pensée globalisante, systématisante si j'ose dire, passe nécessairement par une sorte de réduction, d'assimilation des faits, des textes et des images. Et cela est systématique chez lui, au point parfois de ne pas le sentir toujours très à l'aise dans son propos. Non. Ou plutôt d'une certitude tellement inébranlable dans sa philosophie du corps, à tel point que c'est le lecteur qui a tendance à décrocher et à vouloir se sortir de ce discours si univoque, lequel est si convaincu, si ferme qu'il nous met parfois mal à l'aise.
;Et encore, ce n'est pas tout à fait ça. La pensée de Michel Onfray, et c'est pour cela que le terme de "mauvaise foi" me venait, est redoutablement incisive avec tous ceux qui ne sont pas d'accord avec Michel Onfray. Voilà c'est ça. Ce spécialiste de Nietzsche manie le discours avec une telle virtuosité (Sarkozy en avait d'ailleurs fait les frais: bien joué Michel) qu'il devient, pour ainsi dire, difficile de discuter avec lui intellectuellement, il propose une pensée sans faille, sans porte de sortie en quelque sorte. Et cela est tellement récurrent qu'on n'en a même plus envie de laisser tomber, on se laisse prendre dans une sorte de second degré car, après tout, ses arguments, même s'ils ont parfois un petit goût de déjà lu, sont quand même bien structurés, argumentés, révélateurs d'une pensée en continuel mouvement. Et c'est cela qui me plaît le plus chez Onfray: sa capacité à faire partager le mouvement de sa pensée. De sa pensée et de ses goûts, comme en témoigne l'ouverture de son université du goût ou l'étendue des domaines sur lesquels il écrit et dont il parle.

9782253083856

Une pensée en suspension, finalement. Le mot m'est venu en lisant son deuxième volume de sa contre-histoire de la philosophie, dont Onfray a eu le bon goût de la faire paraître en livre de poche, contrairement à d'autres bouquins que je n'achèterai qu'une fois qu'ils seront sortis dans des collections de ce genre (le Mille Plateaux de Deleuze et Guattari, par exemple). Onfray a un tic d'écriture qui m'insupporte, qui m'a toujours insupporté en littérature: les points de suspension. Ils me paraissent d'autant plus condamnables en philosophie que ce domaine de la pensée doit laisser le moins possible de zones d'ombre, de sous-entendus, de choses non-dites et que le lecteur doit deviner. Et pourtant ils sont systématiques, on en trouve au moins à deux reprises à chaque page. Ca fait un petit effet "je n'en dis pas plus, vous avez tout compris, c'est édifiant, même pas la peine que je précise", et ça, surtout chez un philosophe -je me répète-, ça m'agace terriblement. Prenons une page, vraiment, au hasard: "Epicure fournit un arsenal capable de mettre à mal le christianisme au pouvoir en offrant une métaphysique, une éthique, une sagesse, une politique de rechange. Péché mortel pour des philosophes...", ou encore "Jean enseigne que naître de Dieu empêche d'être souillé par le péché car en chacun reste toujours la trace de la divinité ? Le Libre-Esprit conclut que la grâce subsistent et que les actes comptent pour rien, jamais..." Dieu que ça m'agace. Procédé rhétorique, je veux bien, pratique aussi car il évite des digressions qui augmenteraient le volume du livre d'un bon tiers. Mais il reste que c'est prodigieusement agaçant car on s'en lasse. Les points de suspension d'Onfray n'ont pas la violence de ceux de Céline, de sorte qu'on en a assez vite marre. Ce tic, enfin, est récurrent dans ses textes historiques et philosophiques, on ne le trouve quasiment plus dans des textes plus personnels, comme celui cité plus haut ou le très beau petit livre Le Corps de mon Père, lu sur les conseils d'une aficionada et que je vais probablement faire lire à mes troisièmes. Ecrire démocratiquement. Une qualité qui rend tous les auteurs sympathiques, celui-ci d'autant plus, malgré les remarques que j'ai faites.

2 décembre 2009

Aimez-vous Brahms ?

Il a déjà été question d'un billet consacré ici à une des oeuvres qui me hante le plus. Oeuvre qui a presque une valeur d'intrus, dans la mesure où elle ne correspond pas tellement à mes périodes habituelles: le premier concerto en ré mineur, op.15, de Brahms, dont j'ai parlé il y a quelques semaines ou quelques mois. Je n'y reviendrai que pour quelques remarques incidentes au sujet d'une version que j'ai entendue mardi matin dans la voiture, sur France musique: une version adaptée non pour piano et orchestre, mais pour deux pianos.
J'avais déjà entendu un concert il y a quelques années la transformation de ce genre d'une oeuvre concertante pour piano et orchestre. C'était le quatrième concerto de Beethoven, et ce choix m'avait paru extrêmement judicieux dans la mesure où il s'agit du seul des cinq qui, à mon sens, parle d'une réconciliation entre les deux instances, qui ne s'opposent pas mais qui auraient plutôt tendance à s'enchaîner pour monter au ciel. Il n'y a qu'à écouter les premières mesures:

Ne serait-ce qu'à partir des premières mesures, le ton est donné. Comparez avec le début du cinquième, par exemple, du même:


Rien à voir, remarquez, on n'est plus du tout dans le même univers. 
Pour revenir à nos moutons, un peu surpris par ce choix, j'écoutai donc ce concerto jusqu'à la fin du premier mouvement, interprété par deux pianistes. L'un dont je n'avais jamais entendu parler, et l'autre que je connaissais un peu pour l'avoir entendu jouer il y a quelques mois le deuxième de Prokofiev (un chef d'oeuvre, incompréhensible pour des oreilles peu ou mal habituées au "classique", mais un véritable monstre sacré, ce concerto), ce qui m'avait d'ailleurs fait plonger dans la perplexité: passer (parce que oui, il s'agit bien, déjà, de passer pianistiquement) l'une des oeuvres les plus difficiles qui aient été composées pour cet instrument à vin gt-trois ans. Soit. 
Ce que je craignais arriva: j'ai été déçu, très déçu, dans la mesure où la perspective concertante de l'oeuvre de Brahms était complètement perdue. Les propos du piano se trouvaient dilués dans les résonances de l'autre piano (deux Steinway D, les mêmes, par dessus le marché), de sorte que du combat d'Hercule et de l'hydre, on arrivait à une sorte de bouillasse sonore un peu informe. Certes, l'auditeur est quand même amusé de se dire "ah tiens c'est rigolo ça fait pas pareil", mais je doute que Brahms eût apprécié que l'on réduise ce qu'il avait mis près de cinq ans à composer à une curiosité musicale, j'ai d'ailleurs cru sentir, dans ce qu'ils en disaient, le manque de conviction des pianistes, non sur leur jeu, mais sur l'intérêt d'une telle transcription. Et nul doute qu'ils avaient raison. 
Pour conclure cette bien désagréable écoute, plongez-vous, en trois parties, dans le premier mouvement de ce somptueux concerto en ré mineur, qui contient probablement dans ses deux dernières minutes les deux minutes les plus érectiles de la musique classique: 

 





27 novembre 2009

Eloge des lignes

96021573numeriser0064_small_jpg

Les quelques personnes qui me font le plaisir (et l'honneur !) de fréquenter ce blog, de manière plus ou moins régulière, auront remarqué son ton souvent...caustique et désinvolte, qui a même induit certains d'entre elles à me taxer de sale prof imbu de sa pédagogie, voire même de plaindre les pauvres élèves qui ont le malheur de tomber sous ma direction l'espace d'une année.
Soit. Ces jugements sont, heureusement, le plus souvent tempérés par une franche discussion qui a elle-même valeur de conseil, et je m'en félicite: comme dit ma maman, tant qu'il y a conflit, il y a dialogue.
D'où mon dernier exploit avec mes troisièmes. Une bonne classe, malgré une légère tendance au je-m'en-foutisme, mais dont l'attitude a franchement commencé à m'agacer lorsque je m'aperçus hier que la moitié de la classe ne m'avait pas suivi pour monter en cours et avait préféré traîner dans les couloirs, de sorte qu'ils sont arrivés avec deux bonnes minutes de retard. Réfrénant le CDGP (Coup De Gueule Primal) qui commençait doucement, mais sûrement, à étreindre mon larynx, je pris mon feutre et écrivis de ma plus belle écriture au tableau: "Je ne traine pas comme une limace pour monter au cours de français." 100 fois.
C'est pas bien, hein, je sais. Mais 1/ça m'amuse de les imaginer faire leur punition au lieu de jouer à la Play, et 2/à force de prendre des lignes, peut-être finiront-ils par comprendre qu' "on n'est pas au stade ici", comme je ne manque pas de leur répéter.
Mais s'il y a bien UN truc qui m'agace, mais vraiment, c'est la tête de con (car c'est une tête de con, ne l'en déplaise) qui vient me soutenir qu'il est interdit de donner des lignes parce que ce n'est pas une sanction éducative. Mon dieu, que cet argument stupide a tendance à faire émerger le MCDGP (Méga Coup De Gueule Primal, faut suivre) lorsque quelqu'un vient me l'objecter de la voix mielleuse de celui qui se croit plus malin que les autres (le plus souvent 1/un parent d'élève, 2/unE collègue (j'y insiste, comme aurait dit Gracq(et oui, ce salopard est misogyne, de surcroit)).

 

Certes, cette tradition des lignes, du pensum, pour reprendre le terme exact, est interdite depuis l'arrêté du 5 Juillet 1980, car ce type de sanction, en gros et en évitant tout le verbiage philosophique, ne profite pas à l'élève, ne lui apprend rien, ne lui apporte rien, ne fait que lui faire perdre du temps stupidement. Cela, je l'admets, à un tel point que c'est le seul but que je recherche en leur donnant, devenant ainsi un hors-la-loi, des lignes: faire perdre autant de temps à l'élève qu'il m'a fait perdre d'énergie à le menacer une, deux, trois fois de la sanction qui allait tomber. Et ce n'est certainement pas à moi de perdre du temps et de l'énergie à corriger nue copie supplémentaire: c'est l'élève qui est puni, pas moi. Et je me refuse à transformer quelque chose d'ingrat en quelque chose d'utile facilitant l'apprentissage, ou de donner de "beaux" textes à copier en guise de punition, comme le font certains: lire Proust est un plaisir, un honneur. Pas une sanction.
Dici.

 

J'en connais qui vont gueuler, là.

18 novembre 2009

Action-réaction, épisode 2

C'est facile d'accuser la société des défauts qu'on a du mal à pallier nous-mêmes, j'en conviens. Seulement il faut bien constater que nos chers bambins ont pris l'habitude de vivre dans un monde semi-virtuel (les récentes actualités tendent à le démontrer), dans lequel l'information, aussitôt avalée, est digérée pour laisser place à la suivante. Rapidité de l'information, de l'échange, du statut, des amis, des amours... Et qu'on le veuille ou non, les enseignants, sans pour autant cautionner ou tomber dans une démagogie ridicule, doivent s'adapter à la structure mentale qui est en train de devenir celle des adolescents. On m'objecte, de manière amicale et pondérée, d'être trop dans l'action-réaction, de réagir trop vite et du tac au tac.
Cela est certainement vrai, dans ma pratique professionnelle tout du moins.
Mais ai-je vraiment le choix ? A bosser avec ces élèves pour lesquels une chose en vaut une autre, laquelle sera remplacée par une troisième chose, et ainsi de suite, je n'ai pas vraiment le choix, ou je n'ai pas encore acquis la maturité pour m'adapter à cette structure mentale: à être dans l'action-réaction, je ne peux pas faire nécessairement les bons choix, même si j'ai assez peu, en définitive, l'impression de me tromper.
Dont acte.
Ce matin, je croise l'élève qui avait suscité tant de débats à l'article précédent, celle qui a recopié. Je l'appelle et lui demande, calmement, si elle n'avait rien à se reprocher. "Euh, non M'sieur, je crois pas." Ce à quoi je lui demande si elle en est bien sûre.
Même réponse. Je la remercie donc, en lui disant qu'on règlerait ça le moment venu. Le but de la manoeuvre était justement de la faire galérer. Et ça n'a pas loupé: un quart d'heure plus tard, elle vient me voir, visiblement au bord des larmes, et demande à me parler. Là, elle avoue tout: peur d'avoir une mauvaise note, pas d'idée pour sa rédaction, etc... Je la remercie de sa franchise et la laisse partir. Après avoir réfléchi un peu et avoir fait la même chose avec l'autre tricheur, qui, lui, est resté campé sur sa position (ah non M'sieur, je vois pas de quoi vous voulez parler !", je lui ai proposé un "deal" pendant la récréation: je lui donne un autre sujet pour qu'elle se rattrape, ce qui n'empêchera pas cette note d'être intégrée à la moyenne. En acceptant, elle avait l'air soulagée, et visiblement convaincue du fait qu'elle ne bénéficierait pas de la même indulgence au prochain coup fourré de ce genre.
Bon, mission accomplie de mon côté je crois.
Et comme rien ne mérite qu'on se morfonde dessus, j'ai terminé cette belle mi-journée par une ballade en moto jusqu'au bord de mer, en pensant à tous mes collègues expatriés chez les ch'timi.

Publicité
Publicité
17 novembre 2009

Ils nous prennent vraiment...

...pour des cons.
Ce matin, matinée correction de copies, avec un café à main gauche et le somptueux quintette d'Alban Berg dans les oreilles: rédactions de troisième à faire pendant les vacances. Le sujet, inspiré d'une séquence sur la rencontre amoureuse en littérature, était quand même assez vaste pour autoriser pas mal de variations: en s'inspirant des textes vus en cours, les chers bambins devaient écrire, à leur tour, une scène de rencontre amoureuse.
La prof d'IUFM avait raison: qu'est-ce qu'ils lâchent, comme trucs, dans les rédactions ! J'ai eu droit à une compilation de récits tous plus mièvres les uns que les autres. Mais bon, la plupart des élèves se sont acquittés de leur travail consciencieusement, en me rendant des copies souvent plus longues que ce que j'avais exigé. Si la qualité littéraire n'était pas au rendez-vous, ils ont rempli leur part du contrat, je n'en demandais pas davantage.
Jusqu'à ce que je tombe sur la copie d'une gamine dont le niveau est très faible. Une petite consciencieuse et appliquée, malgré de grosses difficultés. Or sa copie, à première vue, était pas mal. Assez bonne même, jusqu'à ce que je tombe sur la phrase: "Peut-être que la douceur d'aimer interrompt le soin d'être aimable." Là y a un truc: il m'a semblé reconnaître Marivaux. Ces tournures à la fois alambiquées et extraordinairement claires, cette justesse du propos accordée à cet accent incisif sont reconnaissables entre mille. Et j'avais raison: la première phrase de la copie de celle que j'appellerai Julie m'ont renvoyé vers la rencontre de Marianne et Valville dans La Vie de Marianne. Copiée mot pour mot.
J'étais à la fois déçu et en colère d'avoir 1/été pris pour un demeuré qui ne connaît pas ses classiques, et 2/eu le sentiment que cette élève, habituellement si bosseuse, ne s'est même pas donné la peine de faire elle-même son travail. C'est donc avec une sorte de rage froide que je lui ai mis 0 en joignant la photocopie du passage à l'attention des parents.
Une heure après, autre copie: rebelote, mais avec subtilité. L'élève avait, cette fois, recopié le passage en y changeant quelques termes, histoire de faire moins flagrant délit, de sorte que l'on aboutissait à des absurdités du genre "Parmi les jeunes gens dont j'attirais les regards, il y en eut un que je m'attirai moi-même."
Même ânerie, même punition. J'ai même le sentiment d'être trop gentil avec eux, qui se sont ouvertement foutus de moi.

16 novembre 2009

Chose lue...

...Il y a quelques jours sur un site célèbre qui "vous permet de rester en contact et d'échanger avec les personnes qui vous entourent", le commentaire d'une amie sur notre beau métier: 


 "faut arrêter de penser qu'enseigner c'est le truc du siècle. Vous n'allez pas changer le monde dans votre petite classe alors rien ne sert d'avoir la grosse tête!"


Phrase intéressante, publiée il y a déjà quelques jours et passée à la trappe depuis, tellement les choses changent vite. Mais il n'en reste pas moins que ce commentaire, ce "statut" m'a quelque peu interpellé, dans la mesure où il établit un rapport direct entre le rayon d'action, l'étendue de notre capacité à faire évoluer les élèves; et la vanité personnelle que nous serions en droit d'en tirer. Il nous serait permis d'avoir "la grosse tête" dans la mesure où notre métier nous permet de changer le monde. Action-réaction, CQFD, action-réaction vigoureusement, justement (et poétiquement) dénoncée par cette amie qui s'insurge, manifestement, contre le comportement de certains collègues. A juste titre, peut-être.
Mais ce qui me dérange dans ce message, c'est l'intime conviction que notre métier ne va pas changer le monde. Prosaïquement, j'aurais tendance à penser que ce sont les nouvelles générations, celles qui arrivent, celles qui sont assises tous les jours pour partager nos cours, qui vont, effectivement, changer le monde. Et dans la mesure où nous participons directement à l'édification (vilain mot, mais dont la sonorité m'a toujours plu) de ces chers bambins, je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à penser qu'effectivement, nous participons carrément à changer le monde. 
De fil en aiguille, cela me rappelle une anecdote qui s'est déroulée jeudi dernier. Profitant d'un devoir, je m'étais mis à vérifier les cahiers de mes élèves: propreté, tenue générale, clarté des cours... et en ouvrant le cahier de l'un d'eux, j'ai vu sur la page de garde, écrit en gros, FRANCAIS. Jusque là, rien de plus normal, s'il n'y avait écrit en dessous: FRANCE, et, plus bas, aux français... Je dois bien l'avouer, et j'ai presque honte de l'écrire: en dépit de la surprise et de la colère, je n'ai rien fait. J'ai continué mon inspection de ce cahier et des suivants car 1/je ne voulais pas réagir à chaud sans y avoir réfléchi, et 2/le devoir était lancé, me lancer dans une diatribe eût été hors de propos. Il va falloir réagir d'une manière ou d'une autre, c'est évident, mais je ne sais, sincèrement, pas comment m'y prendre. Peut-être sous forme de débat, j'en sais rien.
Mais pour revenir à nos moutons, il me parait d'autant plus urgent, en vivant ce type d'anecdote, d'être convaincu que oui, nous contribuons en première ligne à l'édification (oui, je sais) du monde de demain. Non en voulant que nos élèves deviennent ce que l'on voudrait qu'ils soient ou ce que l'on aurait aimé devenir, mais en leur donnant leurs propres armes pour penser et bâtir le monde.

10 novembre 2009

Une nouvelle moto !

Ca s'est passé comme ça finalement: l'impression que je commençais à faire le tour de ma bécane, la certitude de la connaître par cœur, le fait qu'elle commence à prendre de l'âge et que je suis assez incompétent au niveau de la mécanique moto, un collègue qui me titillait avec son 1000... Je me souvenais aussi des sensations que j'avais eues à l'époque sur ma feu GSE 500 (que j'avais adorée):


7733_1_suzuki_gse_500_1995_500_375


J'ai donc décidé de 1/me fixer un budget; puis 2/une architecture de moteur (sur une moto c'est primordial: une même cylindrée avec deux types de moteur différents ne donneront pas du tout la même machine). Après avoir choisi un bon compromis, j'ai pas mal lu un excellent forum consacré à cette bécane, et finalement écumé toutes les annonces avant de trouver la moto qu'il me fallait: un Yamaha Fazer 600, de 1999, totalisant 45000 bornes, en vente pour 2200 euros.
Parfait.
C'est ainsi que samedi dernier j'ai pris possession de la bête. Elle était un peu loin de chez moi, 250 kilomètres quand même: un bon test, me disais-je, avant de voir le temps qui commençait à devenir franchement grisâtre. A que cela ne tienne, j'ai quand même fait le pas.
J'avais un peu peur de tomber sur une mauvaise occasion: le sort (et mon opiniâtreté, je crois) m'ont permis de trouver un vendeur à la fois sympa et soigneux avec sa bécane. C'est simple: à dix ans, cette moto paraît neuve. Et quel bruit, bordel. Une symphonie pour quatre cylindres. une fois les paperasses faites, les pièces embarquées dans la voiture (car le gars, pas chien, m'a donné le pot d'origine, les clignos d'origine et un bagster !), j'ai enfourché ma nouvelle monture pour le retour à Perpignan.
Maintenant, après environ quatre-cent bornes, je peux commencer à me faire une idée: bon dieu, ça pousse. Dur et violent: passé 5000 tours, ça part vite et bien. Je ne suis monté qu'à 160, pour voir, et j'en avais encore beaucoup sous la poignée. Près de cent chevaux, il va falloir les tenir.
Mais, et surtout, quelle précision ! Une fois placée sur l'angle, elle ne bouge pas, elle ne sort pas de son rail, elle est précise et carrée. Je dois faire attention à son poids par rapport à la précédente, mais franchement je redécouvre la moto: plus puissante, plus précise, plus joueuse, elle freine mieux... Même avec un passager, elle envoie toujours autant, alors que le Djebel avait un peu plus de mal.
Maintenant, il me reste à en prendre soin. Je vais certainement tout faire faire chez Yamaha pour ne pas avoir d'emmerde, surtout sur des moteurs un peu pointus comme ça. Mais en attendant, c'est le pied. Vivement les ballades !

Quelques photos, quand même:

DSCF8873

DSCF8876

4 novembre 2009

Un prof à LIDL ?

Hier, nous avions des amis qui venaient manger, pour sept heures. Et donc, comme d'hab, je suis allé au LIDL d'à côté faire les courses à, mettons, 18h20... Autant dire que j'étais pressé, entre la liste des courses à terminer; le truc que j'avais, forcément, pas noté et qu'il me fallait prendre sauf que c'était trop tard pour aller le chercher parce que la bonne femme avait commencé à scanner mes articles; mon copain Jérémie au téléphone...
J'étais un peu en stress, quoi.
Et donc je revenais aux caisses, un peu essoufflé, au téléphone avec Emilie qui me faisait un sermon sur la pâte feuilletée, avec Jérémie qui me parlait de sa semaine à Rome, avec la perspective de faire galérer la file des estimables clients de ce magasin avec ma *** de pâte sus-nommée lorsque je vis, dans la file en question, celle que j'appellerai Julie. Julie est une ancienne élève de l'an dernier, que je suivais en cours de soutien, une de ces élèves que j'appelle "élève de bonne volonté": pas spécialement douée sans être non plus spécialement pas douée, essayant quand même de combler son désintérêt pour la matière par un travail régulier et sérieux. Je l'aimais bien Julie.
Et la première réaction de cette élève en voyant son ancien prof de français à LIDL, ridicule à souhait avec son sac Auchan, pressé, au téléphone, un peu désappointé aussi... fut un grand sourire, un sourire de sympathie qui m'alla, il faut bien le dire cher lecteur, droit au coeur. Tout en tâchant, j'imagine, de résorber le maelström de pensées contradictoires qui durent lui traverser l'esprit (quoi ? Un prof à LIDL ? Ils ont donc une vie ? On les laisse sortir le soir, le week-end et les vacances ? Il sait ce qu'est un téléphone portable ? Il est pressé lui aussi, comme les gens normaux ? Il s'est échappé du lycée ?), il faut bien avouer que Julie était, oui, contente de me voir: il y a des sourires spontanés qui ne trompent pas.
Et ainsi donc, je raccrochai, lui rendis son sourire avec un sonore "bonjour", et repartis à mes occupations. Il en faut peu, comme quoi, pour vous remettre de bonne humeur.

23 octobre 2009

Perceval et Fabio

Notre vocation est, on ne le dira jamais assez, de transmettre à ces jeunes de la culture. De la grammaire, de la conjugaison, de l'orthographe, d'accord, mais tout cela est subordonné à la transmission d'un fond littéraire, et artistique, commun qui doit absolument être préservé. C'est à l'école que le jeune adolescent de 2009 sera le plus facilement en contact avec la littérature. Comme le disait une collègue: "Baudelaire, c'est now".
C'est donc avec cette dimension de passeur que je franchis chaque jour les portes du collège et que je m'efforce le plus possible de parler aux élèves de livres, même si ça m'oblige parfois à suspendre mon cours de grammaire pendant un moment. C'est aussi dans cet esprit que je donne en récitation des taxtes qui me semblent particulièrement beaux. A mes cinquièmes, a été donné récemment le sublime passage du sang sur la neige, extrait du Perceval et le Conte du Graal de l'inimitable Chrétien:

L’oie était blessée au col.

Elle saigna trois gouttes de sang,

qui se répandirent sur le blanc.

On eût dit une couleur naturelle.

Le temps qu’il y soit parvenu,

elle s’était déjà envolée.

Quand Perceval vit la neige qui était foulée,

là où s’était couchée l’oie,

et le sang qui apparaissait autour,

il s’appuya sur sa lance

pour regarder cette semblance.

Car le sang et la neige ensemble

sont à la ressemblance de la couleur fraîche

qui est au visage de son amie.

Tout à cette pensée, il s’en oublie lui-même.

Pareille était sur son visage

cette touche de vermeil, disposée sur le blanc,

à ce qu’étaient ces trois gouttes de sang,

apparues sur la neige blanche.

Il n’était plus que regard.

Il lui apparaissait, tant il y prenait plaisir,

que ce qu’il voyait, c’était la couleur toute nouvelle

du visage de son amie, si belle.

Je reconnais: l'extrait était difficile. Difficile et long, aussi long que le temps qu'ils avaient pour l'apprendre. Et c'est ainsi que j'ai interrogé notre ami Fabio hier. Il est venu sur l'estrade, tout fier, avecses lunettes et son cahier dégueulasse. Après quelques hésitations dues à un trac bien légitime (c'est dur de déclamer su Chrétien, plus de huit siècles nous contemplent !):

"L'oie était blessée au col,
Elle saigna...euh...trois gouttes de sang
Qui...euh...s'étalèrent sur le blanc
..."

"Bon, Fabio, tu l'as apprise, ta poésie ?
- Euh, non m'sieur.
- Bon, tu en paieras le prix. A ta place."

Ca n'a pas eu plus l'air que ça de le gêner, le Fabio. Notre jeune nice retrouva son sourire béat et retourna à sa place.
C'est dur, défois.

Publicité
Publicité
<< < 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 > >>
Publicité