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29 octobre 2011

Du cours particulier

imagesHier après-midi, en rentrant d'un cours, j'essayais de faire le compte du nombre d'élèves que j'avais pu avoir depuis que je donne des cours particuliers. J'ai vite arrêté de compter un par un pour passer à une moyenne annuelle. Je dois avoir dépassé la centaine, en huit ans.
Ca en fait, des heures, tout ça, et des élèves aussi ! Je me rappelle de mon premier, c'était à Collioure, un gamin de cinquième, je faisais toutes les erreurs possibles et imaginables avec une tête de con de premier ordre. Un mauvais souvenir, je n'étais pas sûr de moi et de mon approche, j'avais demandé une misère, je n'en avais pas vraiment envie... Ma première vraie élève, peu après, ça a été Prisca. C'est avec elle, véritablement, que j'ai appris ce qu'était un cours particulier. Je l'ai suivie deux ou trois ans, au lycée, et je suis encore en contact avec elle. Puis le choses se sont un peu enchaînées du moment que j'ai obtenu la licence. Ca a été les années acadomia, keepschool, les annonces, le bouche à oreille, les stages de vacances... Ne travaillez pas pour ces boites de cours particulier, c'est de la merde: vous êtes payé au lance-pierre, on vous facture des trucs bizarres, vous êtes fliqués avec des cahiers de cours à la con à remplir, vous ne pouvez moduler vos horaires (il s'en rappelle encore, le directeur de mon agence Acadomia, qui avait refusé que je déplace un cours la semaine du CAPES ((connard)), vous devez déclarer aux impôts ce que paye la famille réellement, et non ce que vous vous gagnez (du simple au double, quand même), ça crée un espèce d'aspect "domestique interchangeable" du plus mauvais effet, une sorte de gêne qui poussait pas mal de parents à me demander, voyant que le courant passait bien, à "faire ça entre nous", ce qui convenait à tout le monde. Puis, de fil en aiguille, je me suis passé de leur service et le bouche à oreille a suffi.
Durant tout ce temps, seulement deux échecs. L'un de ma part, à cause d'une mère particulièrement castratrice que je n'ai pas su remettre à sa place; et l'autre d'un élève qui était particulièrement nul. Bien que sa mère parle d'un "intellectuel précoce", j'avais face à moi un gamin de quatre ans, incapable d'appliquer quoi que ce soit pour son bac. Il est allé au casse-pipe et s'est vautré, comme prévu. Ce furent les deux ratés parmi tous ceux que j'ai eus. Maintenant, mon habitude me permet de sélectionner directement et de poser les bonnes règles avant même de commencer quoi que ce soit: si le gosse ne veut pas et fait ça à contrecoeur, ce n'est pas la peine; et si les parents ne me font pas entièrement confiance, c'est niet. Une fois ces mises au point faites, on peut y aller.
Les cours particuliers, ça recouvre pas mal de trucs. Du quasi-illettré qui passe le brevet le mois suivant et qui a besoin de tout revoir jusqu'à l'élève super fine qui veut assurer une super note à son bac Littéraire, en passant par le paraplégique qui veut reprendre ses études après son accident (je l'ai poussé jusqu'en licence, lui, une belle expérience) ou l'étudiante en orthophonie qui veut prendre des cours de grammaire intensive... Dans tous les cas, il y a une mission de matière pure (un cours de français/maths/anglais, etc) et une grande part de psychologie. La plupart des élèves que je récupère, pour ne pas dire 80%, ont un problème de confiance en eux et sont en conflit avec le concept même d'apprentissage. L'écriture même, après tout, n'est-elle pas un moule dans lequel il faut rentrer ? Pour un ado en lutte avec l'autorité, mal écrire est déjà un signe de revendication, d'affirmation de soi. Et pourtant, etc.. D'où un besoin de reprendre souvent les choses en amont, et de reconstruire progressivement le cours avec nos propres mots. En voyant que ce qu'il déduit est la même chose que ce qu'a écrit "le prof", voilà déjà un premier (gros) conflit de passé, et là le travail peut s'amorcer vraiment.
De mon côté, le travail est complètement différent de celui que j'ai dans mes classes. Il m'oblige, et c'est ça qui m'intéresse le plus, une adaptation totale. Chaque élève est différent, en arrivant je ne sais pas sur quoi il travaille et je dois être opérationnel tout de suite. Finalement, si ce n'est les cours très spécifiques (grammaire, ou textes de littérature pour le bac que je ne connais pas), je ne prépare pas les cours particuliers. Je ne les prépare plus, en fait, car avant je faisais quasiment un cours magistral pour me rassurer. Je regarde ce que le cours contient et je m'adapte en cernant très vite les difficultés. Et ça marche, si je dois me la péter, j'accuse un taux de réussite au bac de 100% depuis cinq ans, y compris chez les STG qui se pointent à dix jours de l'oral !
Après se crée la confiance, parfois même l'amitié avec certains. Trois de mes contacts réguliers sont des anciens élèves, chose impensable avec mes anciens élèves de cours. Et je les vois avec un regard différent, ces élèves qui sont tant stigmatisés et qui jouent tant de l'effet de groupe en classe. Ceux que les parents me dépeignent comme de vrais monstres insolents et rétifs s'avèrent bien souvent de gentils ados quand ils sentent que je me laisserais pas faire s'ils me cherchent. La Roxane que j'ai rencontrée la semaine dernière, élève de cinquième à qui on donnerait 17 ans, maquillée comme une bagnole volée, qui "hurle contre nous", dixit ses parents, est devenue un gros bébé en moins d'un quart d'heure.
Les parents aussi, sont à rassurer autant que leur progéniture. Souvent dépassés, parfois de bonne volonté et inquiets pour l'avenir de leur gamin (car on a toujours ceux qu'on ne voit jamais, injoignables et qui laissent l'argent sur la commode de l'entrée), ils parlent autant d'eux-mêmes que de leur gosse quand on les a au téléphone (divorce, crise d'adolescence, travail prenant, frère ou soeur difficile...), et une fois le contact passé, je suis toujours à la fois surpris et touché de l'absolue confiance qu'ils m'accordent. De manière générale, les parents d'élève sont confiants et soutiennent davantage l'enseignant que l'élève. Pourvu que ça dure. L'image de l'Enseignant persiste encore, en tout cas, même si elle est en constante évolution, remise en question, etc, Il m'est même arrivé de faire des échanges de bons procédés: le papa mécano, une réparation sur la voiture, et hop trois cours gratuits contre cette bricole..
Pour le moment, une expérience enrichissante, puisque j'en ai six réguliers par semaine. Je suppose que les aléas de la vie, tôt ou tard, me feront arrêter. Difficile de faire cours avec un bébé par exemple, mais pour le moment je continue.

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