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2 janvier 2011

Tu veux ou tu veux pas ?

balance

Lequel d'entre nous peut se targuer d'avoir lu la Bible en entier, in extenso ?
Certainement pas moi, qui suis un piètre chrétien mais un vrai, je l'espère, lettreux. Je ne l'ai pas lue de la Genèse à l'Apocalypse directement, mais par morceaux, et probablement dans son intégralité, ou peu s'en faut. Et depuis quelques jours me revient, c'est assez rare pour être signalé, un passage de l'Apocalypse, devenu dans une certaine mesure un proverbe: "
Dieu vomit les tièdes".
Recontextualisons:"Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche." (Ap. , 3, 15-16). Une parole parmi les plus intransigeantes qu'il soit donné de lire, à mon avis, car en prenant le temps d'y réfléchir, de la "mascher", comme dirait Michel, cette parole, je vois que cette injonction implicite me frappe parce que je suis un tiède par excellence. Nous le sommes tous, mais tous nous avons tort.
Ca veut dire quoi, être tiède ? Les proverbes ont cela d'amusant qu'ils pourraient exister par couples antinomiques. A celui qui vomit les tièdes pourrait être associé celui qui ménage la chèvre et le chou, celui qui fait acte de tempérance, de moyen terme, de négociation. Le tiède pourrait être celui ou celle qui, faute d'hésiter, ne fait rien, ou choisit mollement, de manière indécise, regrettant déjà le choix qu'il vient de faire en sachant malgré tout qu'il/elle aurait aussi regretté l'autre alternative s'il/elle l'avait choisie. Et après tout, "c'est compliqué."
Ne nous demande t-on pas tous les jours d'être tiède ? Plus le temps passe, et les quelques années qui m'ont été données sont bien peu nombreuses pour avoir une vue intelligente, mais dans un monde qui nous offre le beurre et l'argent du beurre, n'avons-nous pas tendance nous aussi à vouloir jeter, dans nos choix, le bébé avec l'eau du bain ? 
Etre froid ou bouillant. Quelle belle image pour désigner celui qui sait ce qu'il veut et qui assumera ses choix ! Cela implique énormément de choses, et de conséquences. Ou plutôt, non, cela n'en implique qu'une, justement, et l'unicité est quelque chose qui effraie les gens. Choisir, c'est renoncer. Et plus ça va, plus je m'aperçois de cette indolence naturelle qui me pousse à ne pas choisir de peur d'avoir à renoncer. Du coup je ne choisis pas, je ne renonce pas, et forcément je ne fais rien. Alors prendre conscience d'un travers est un premier pas dans sa correction, et si cette année 2010 fut tellement marquée par de grandes nouvelles, tant bonnes que mauvaises, s'il est possible que ces deux mots veuillent bien dire quelque chose, c'est justement parce que 1/ Je m'efforce d'être froid ou bouillant; et 2/ Je récolte, par réaction, ce que j'ai semé.

J'y arrive, enfin, un exemple parmi tant d'autres: on m'a récemment reproché d'avoir "jugé" une situation (ou plutôt non, une personne, alors que je parlais d'une situation. Remarque intéressante), alors que je me contentais de donner mon avis dessus. Avis qui était certes affirmatif, ou plutôt négatif en l'occurence, mais qui situait bien le fond de ma pensée. J'oublie de préciser qu'on ne me l'avait pas demandé, cet avis, mais que la personne en question venait de me faire un état des lieux, si je puis dire, d'une histoire que je ne connaissais, hélas, que trop bien, alors que rien ne la forçait à le faire. Je me suis donc senti obligé de dire ce que j'en pensais. Dire ce que l'on pense, est-ce juger ? Je pense que telle chose est bonne, ou telle autre mauvaise, vue dans le ridicule oeil-de-boeuf embrumé que l'on appelle conscience, tellement éloigné de la totalité du problème que l'interlocutrice avait eu la bonté de soumettre à ma sagacité, et répondre cela, de manière argumentée par l'embrumée sus-dite conscience a été jugé inconvenant dans la mesure où je "jugeais". Dire, c'est juger. Préférer un café à un thé, c'est juger que de l'eau chaude trempée dans de la mauvaise herbe est quelque chose de dégueulasse; dire "là, d'après les données que j'en ai, à mon sens tu vas droit dans un mur" c'est aussi juger, oui forcément.
Oui. Et ?

Tous se passe aujourd'hui comme si la tiédeur était un postulat des relations humaines. Le terme plus exact qu'aurait pu employer ma courroucée interlocutrice eût pu être "tu penses", verbe dont la magnifique étymologie renvoie, si mes souvenirs sont bons, au verbe "peser", dont il est un dérivé savant. Penser, c'est peser le pour et le contre. Et cela, apparemment, dans la tiédeur qui nous environne, semble ne pas être de bon ton. De sorte que nécessairement, celui qui nous demande le froid ou le bouillant déstabilise (ne marche-t-on pas par déséquilibre ?) parce qu'il oblige à franchir un Rubicon, et qu'il pourrait être difficile de bénéficier du pack, du forfait, du beurre et de l'argent du beurre. La fuite, je m'en aperçois, est la solution la plus communément admise. Cela est désagréable dans la mesure où si la question nous tient à coeur, cela nous oblige à réitérer notre demande, une seconde fois, à reformuler, à nuancer, à préciser, puis à discutailler, à procrastiner, à aigrir et à s'exaspérer alors qu'un simple OUI ou NON aurait suffi. Les mauvaises raisons sont aussi des réponses fréquentes, celles auxquelles on a envie de dire "aaah, oui d'accord, mais ce n'est pas du tout, mais alors absolument pas du tout cela que je te demandais !" Une variante, finalement.
Alors que faire ? Accepter les gens comme ils sont, avec leurs peurs et leurs incertitudes tout en ayant le courage de dire "stop" si cela parasite la communication;  s'accepter tel que l'on est avec nos points noirs, nos coups de flip et les terrains sur lesquels on se sent carrément boueux. Et vomir les tièdes une fois après les avoir pris en bouche et jugé de leur train.
Portez vous bien les gens, merci d'avoir suivi jusqu'au bout cette logorrhée cathartique. Consolez vous avec une belle représentation de balance, bien équilibrée pour le coup.

 

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Commentaires
F
As-tu vu le sktech de Palmade sur les choix, c'est un peu le mêm problème de façon comique et dans l'autre sens je pense, Palmade adore les tièdes ou déteste les choix en fait...
J
Ce sera la première citation de l'année, ma tong. Ne nous laissons pas emmerder par ces conneries, aneffet.
T
"On va pas se laisser emmerder par ces conneries!". Moi aussi je les vomis les tièdes, et moi la première.
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