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10 septembre 2010

Balzac et Flaubert

In vino veritas, il parait. C'est donc à la troisième bière de l'apéro du vendredi que mon ami François m'a demandé, à la suite d'une longue conversation qui s'orientait dans ce sens, un topo: Balzac/Flaubert.
Et là c'est dur. Dur parce que parler à la fois précisément et clairement après trois bières n'est pas quelque chose de facile pour mon corps endolori par une semaine de labeur pédagogique; dur de parler de Balzac et de Flaubert après les monstres sacrés qui en ont si bien disserté (ma première pensée va vers Auerbach, par exemple, mais il y en a tellement qui ont bien parlé de ce sujet: Proust, Poulet, Starobinski, Nadeau, Genette, Thibaudet...); dur de parler clairement et exactement d'un sujet pointu à un agrégé de philosophie... J'ai donc, suivant une pente naturelle, esquivé après quelques considérations générales (ça me rappelle cette phrase de Deleuze qui explique que quand quelqu'un lui demandait ce qu'il pensait de la philosophie, sa bafouillante réponse était: "vous savez, je..." sans terminer: déjà un prolégomène !) mais il reste que la question m'a quelque peu travaillé ce week-end, et que je n'aime pas laisser des questions en suspens. 

413px_Flaubert_GiraudSi l'on considère le rapport quasi-organique que l'on peut avoir vis-à-vis d'un style d'auteur, d'une personnalité qui se dégage des oeuvres, il y a peu de choses à voir entre Balzac et Flaubert, ou les choses en commun sont justement de celles qui n'ont strictement aucune importance: certes, tous deux s'inspirent souvent de faits réels ou quelque peu modifiés,  tous deux analysent la société qui les entourent, la décortiquent à leur manière... Le sujet n'a aucune importance. Ce qui les différencierait, selon moi, serait un éclat de rire. Non le tonitruant Rabelais, mais l'éclat de rire sardonique et méchant de l'aveugle de Madame Bovary ("Il souffla bien fort ce jour-là; et le jupon court s'envola !"). Car tout est là: Balzac dresse une cathédrale embrassant l'intégralité des rouages de la société du XIX° siècle (et vive les groupes nominaux à rallonge), il se pose comme un juge froid et lucide (relire les premières pages de la Fille aux yeux d'or, c'est magnifique !) de l'humain. Tandis que Flaubert se contre-fout de tout cela: tout se joue dans la distanciation opérée entre la voix qui parle et ce dont elle parle, entre le narrateur et la chose narrée. Là où Balzac parle, Flaubert rit. Et par conséquent, la consistance de la chose racontée, chez ce dernier, perd de sa densité, à tel point qu'il est parfois difficile de savoir si c'est sérieux tout ça. La fin d' "un coeur simple", par exemple... John et moi n'avons jamais été d'accord là-dessus: j'y vois une apothéose là où lui ressent un ultime foutage de gueule. Ces hésitations n'ont jamais lieu chez Balzac, qui donne la sensation d'écrire au kilomètre (il n'y a qu'à comparer les portraits des deux hommes, tout est dit), tandis que chaque phrase flaubertienne est gueulée, pesée, vérifiée... ("Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues. Il revint."). 
Balzac

A la limite, Balzac aurait plus à voir avec Zola; et Flaubert avec Stendhal, si on devait pousser plus avant les comparaisons.
Espérons que cette ébauche de réponse, fort incomplète, servira de préambule au prochain apéro ! 

 

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Commentaires
J
Bien entendu, chère Natasha. Cela dit, je ne voudrais pas raser les lecteurs avec une paraphrase de critique littéraire ! Ils sont tellement nombreux, les monstres sacrés qui ont parlé bien plus intelligemment de toutes ces questions !<br /> Je n'avais pas pensé, évidemment, à cette phrase de Flaubert sur le "livre sur rien". N'est-ce pas là qu'il soutient que le livre doit se tenir de lui-même comme la terre se tient sans appui, par la force interne de son style ?<br /> Merci de votre intervention, quoi qu'il en soit !
N
vous pouvez cherchez les differences encore dans: description, focalisation, style, l'intrigue-"le livre sur rien" de Flaubert
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